L’attrape-coeurs

J. D. Salinger, 1951

attrape-coeur

Je suis entrée ce mois-ci dans le Club de lecture du Pingouin Vert, il me fallait donc marquer le coup et participer à la lecture de février, L’attrape-coeurs. Jusqu’ici, j’étais complètement passée à côté de ce roman, chose qui me surprend pas mal, par ailleurs : je lis pourtant des classiques, il semble faire scandale depuis sa première publication pour avoir « inspiré » des criminels, il était dans la liste des livres bannis aux Etats-Unis… et pourtant je n’en avais jamais entendu parler. C’est donc avec beaucoup de curiosité et vierge de tout préjugé que j’ai ouvert ce petit livre la semaine passée.

Difficile d’en faire un résumé constructif : je me contenterai de dire que Salinger te propose de suivre les pensées d’un adolescent, Holden Caulfield, qui vient de se faire renvoyer de son collège et s’offre une trêve de quelques jours à New York avant de rentrer chez lui et d’affronter ses parents.

Bien bien bien. J’ai voulu laisser mûrir cette histoire, la digérer, pour voir ce que je pourrais en dire dans cette chronique qui peinait à s’écrire. Je suis encore un peu perplexe, je vais donc me contenter de te livrer mes impressions et tant pis pour l’analyse de texte en trois parties, avec fil rouge et antithèse.

La grosse erreur que j’ai faite, une erreur de débutante je dirais, c’est de ne pas avoir réalisé que le texte original était en anglais. Je suis un peu tarte, la seule référence qui me venait en tête c’était la chanson d’Indochine « Des Fleurs pour Salinger », du coup j’ai assimilé ça à un auteur français, je l’ai acheté sur un coup de tête, et je regrette parce que j’aurais VRAIMENT voulu le lire en VO. Attention, je trouve la traduction plutôt pas mal, ça n’a franchement pas dû être simple (sérieusement, rien que dans le titre on sent que c’était douloureux, avec toute cette histoire de comptine où le gars attrape des corps mais Holden comprend coeurs, sûrement parce que « L’attrape-corps » c’était franchement pas terrible… C’est tiré par les cheveux, mais j’avoue que j’aurais été bien embêtée de devoir traduire un texte pareil) , mais damn, si je lis en anglais depuis toutes ces années c’est justement pour avoir accès à ce genre de textes qui reposent vraiment sur le langage. Parce que oui, c’est une écriture à la Voyage au bout de la Nuit, très familière, spontanée, proche du langage parlé. Je suis quand même rentrée facilement dans ce style narratif, j’entendais Holden me raconter son histoire, je n’ai pas spécialement subi la traduction. Mais je le relirai probablement dans quelques années, en anglais cette fois !

Au niveau de l’histoire maintenant (c’est là que mes pensées s’embrouillent)… c’est un livre qui se lit vite, je l’ai lu en un ou deux jours, assez agréablement je dois dire. J’aimais bien ce personnage, qui semble s’énerver de tout mais jamais très longtemps, qui a des principes mais agit de manière incohérente, qui n’est passionné par rien mais se pose des questions sur tout. J’y ai vu un adolescent dans son âge d’or, avec ses doutes, ses peurs, son incompréhension du monde des adultes, son incapacité à retrouver celui des enfants. En ce sens-là, j’ai passé un très bon moment de lecture. Mais j’étais régulièrement en train de me demander ce que l’auteur essayait de me dire, et comment il allait bien pouvoir terminer son histoire puisque je ne voyais pas où elle allait. Je ne suis pas le genre de lecteur qui cherche des sens cachés à chaque coin de phrase, qui s’interroge pendant des heures à la fin de sa lecture pour mettre en évidence des thématiques et un message global. Du coup, j’ai lu ce livre au premier degré, ça m’a bien plu, mais en le refermant j’étais très intriguée par son succès. Est-ce que j’aurais dû le lire en étant moi-même ado, pour m’identifier à Holden ? Ou est-ce que j’étais passée à côté de l’histoire et de toute une réflexion philosophique à lire entre les lignes ?

J’ai donc fait mes petites recherches, qui n’ont fait qu’augmenter ma perplexité. Parce qu’évidemment, on ne sait jamais ce que l’auteur a réellement prévu et ce qui sort tout droit de l’esprit tortueux d’un prof de français. J’ai lu par exemple qu’on est censés comprendre dès le début que ça sent le roussi pour Holden, par tout un tas d’indices qui laissent entendre qu’il va sombrer dans la folie. J’ai aussi lu qu’il fallait s’interroger sur l’utilisation du « vous », qui semble interpeller le lecteur, mais qui petit à petit fait comprendre qu’on a plutôt affaire à un enregistrement, une transcription d’un dialogue, ce qui crée un suspense puisqu’on ne comprend qu’à la toute fin d’où il provient. Euh, alors je te le dis : je n’ai senti ni suspense ni progression vers une chute annoncée. Je l’ai lu comme on me l’a proposé, un livre rassemblant les pensées d’un jeune pendant quelques jours, j’ai attendu que l’histoire démarre, j’ai compris qu’il n’y aurait pas franchement d’histoire, alors j’ai arrêté d’attendre et j’ai pris ce qui venait, j’ai bien apprécié ses réflexions, j’ai fini mon livre et je suis passée à autre chose. Ni plus ni moins.

En résumé, j’ai bien aimé ma lecture mais je suis passée à côté de quelques éléments qui auraient pu la rendre marquante : si je l’avais acheté en anglais, si j’avais le même âge que Holden et si j’étais du genre à extrapoler un peu plus, j’aurais très certainement été transcendée. Les choses étant ce qu’elles sont, c’était une lecture sympathique, suffisamment courte pour ne pas devenir monotone, je n’ai absolument aucune idée de ce qui peut faire vibrer les meurtriers qui l’ont sur leur table de chevet et je me pose encore pas mal de questions.

On arrête ces pensées confuses et on finit en musique ? Allez. Place aux Belle & Sebastian, qui font des mélodies toutes simples mais en même temps très belles, et dans un style qui n’appartient qu’à eux. Ce n’est pas la chanson que je t’aurais conseillée spontanément, mais ils citent le titre anglais (The Catcher in the Rye) dans les paroles, et elle est plutôt entraînante ! Et promis, je tâcherai de mieux organiser mon propos la prochaine fois.

17 commentaires sur “L’attrape-coeurs

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  1. Excellente critique. Et chapeau pour un livre pas facile.
    Personnellement, je n’ai pas aimé, et j’ai laissé tomber à la moitié. C’est bon, je préfère me tourner vers des trucs qui me parlent.

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    1. Je ne peux que comprendre ton ressenti, évidemment 😉 Je le relirai en anglais, dans quelques années aussi ! Le fait qu’on ait envie de réessayer est probablement un gage de qualité en soi..

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  2. Je comprends tellement ton avis sur l’aspect dramatique souligné par de nombreuses analyses.
    Peut-être est-ce une question d’époque, mais tout comme toi, je n’ai pas ressenti de tension ou de suspens quant à la situation finale du narrateur… j’ai tout simplement, comme toi, été confrontée aux tourmentes de l’adolescence sans me demander si la folie avait un rôle à jouer.

    Très très belle chronique : personnelle et érudite à la fois, moi j’adore ! 😍😙😙😙😙

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    1. Oh là là, merci beaucoup tu me fais très plaisir 🙂 je pense qu’à la deuxième lecture, en connaissant la fin, peut-être qu’on peut imaginer certains indices mais il faut vraiment extrapoler très fort pour les voir du premier coup haha
      Merci beaucoup d’être venue lire ! Des bisous 🙂

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  3. Bonjour, je découvre ton blog et c’est la première chronique que j’ai lue. Je me suis jetée dessus car j’ai voulu écrire un article sur ce livre et effectivement je me suis heurtée à un véritable échec. Comme tu le dis si bien, il ne se passe pas grand chose donc dur dur d’en parler. J’avais essayé de le lire quand j’avais 16 ans et il m’était tombé des mains. Je l’ai lu cette année, à 23 ans, et je dois dire que j’ai adoré. Vraiment. Je crois pas qu’il faille être ado, mais vraiment rentrer dans l’histoire. Je l’ai lu en anglais, et je crois que c’est aussi pour cette raison que j’ai eu un plus grand plaisir. Parce qu’il y a vraiment une langue particulière, un peu d’argot, de langage familier qui attache, c’est drôle et assez caustique. Et peut-être qu’en langue originale on sent plus la chute… Il ne se passe rien si ce n’est un parcours psychologique tortueux, après je te rejoins complètement sur l’absence de suspens !
    En tout cas, très chouette cette article ! J’aime bien ton écriture : intéressante et plaisante. Je vais aller voir plus loin… 🙂

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    1. Si tu savais comme j’ai sué pour pondre cette chronique 😉 Oui, je pense que maintenant que j’ai un peu plus de clés en main, si je le relis une fois en anglais dans quelques années il pourrait vraiment me plaire 🙂 Je file découvrir ton blog du coup, merci beaucoup pour ta visite ! Et je reviendrai t’en parler le jour où je l’ai relu 😉

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  4. Félicitations car je n’aurais pas été capable d’écrire sur ce roman ^_^
    Je l’avais lu en VF aussi à l’époque (ceci explique peut-être partiellement cela…), et suis ressortie tellement dubitative de cette lecture que je me suis dis que je n’avais certainement pas pris le bon wagon 😉
    En revanche, je me suis retrouvée et sentie moins seule en lisant ton billet, merci 🙂

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    1. Haha c’était un billet difficile à écrire, c’est certain ! Mais je suis contente s’il a trouvé un écho chez toi, j’étais un peu triste d’être passée à côté de ce bouquin…
      Pareil, faudra que je tente la VO un jour !

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