Que passe l’hiver

David Bry, 2017

quepassel'hiver

Je suis très contente d’avoir enfin du temps pour reprendre les chroniques, parce que je me réjouissais de pouvoir te parler de ce livre ! Une très belle découverte, toute fraîche puisqu’il est sorti en mai 2017 (c’est très rare que je tombe sur des livres récents comme ça). Amateur de fantasy poétique et sombre, ne bouge pas, c’est ici que ça se passe !

Le monde de Que passe l’hiver réunit quatre clans, qui ont chacun un pouvoir spécifique : l’un peut lire l’avenir (ou plutôt les avenirs potentiels, qui se manifestent sous forme de fils entremêlés), l’autre peut prendre la forme d’un animal, le troisième peut voyager en passant par les ombres et le dernier maîtrise les esprits de la nature. Une fois par année, au solstice d’hiver, les chefs de chaque clan se rejoignent pour renouveler leur allégeance au roi de la Clairière. Cette année, Stig, le fils du chef du clan Feyren, a le droit de venir au rassemblement pour la première fois. Et bien évidemment, rien ne va se passer comme d’habitude.

Je suis absolument enchantée de cette lecture, je ne sais même pas par où commencer. L’univers, déjà, m’a embarquée dès les premières lignes. On est dans une ambiance hivernale, très calme et mystérieuse, on comprend petit à petit les relations entre les clans et leur roi, les pouvoirs des uns et des autres, c’est du très beau travail.

Ensuite, les personnages sont un gros point fort aussi. Il n’est pas question de gentils et de méchants : chacun a ses forces et ses faiblesses, à commencer par Stig qui a un pied bot et qui vit dans l’ombre de son grand frère promis au trône. Ses seuls moments de répit sont les heures qu’il passe dans les airs, sous sa forme de corbeau. J’ai vraiment apprécié son évolution au cours de l’histoire, et malgré l’abondance de personnages secondaires, chacun trouve sa place dans le récit.

Mais ce que je retiens principalement, c’est la poésie qui se dégage de ce livre. Chaque chapitre (David Bry utilise d’ailleurs le terme de « strophe ») démarre avec quelques vers d’un poème qui se révèle en entier à la fin du livre, et qui fait écho aux événements qui vont se produire. Mais au-delà de ça, la plume est très habile et légère, et le choix des mots mêlé à l’ambiance de cette Clairière laisse un ressenti vraiment doux et, justement, très poétique. Un procédé qui m’a particulièrement plu fait référence aux fils du destin dont je parlais plus haut : à chaque fois qu’une décision importante est prise dans l’histoire ou que quelqu’un fait quelque chose d’irréversible et de crucial, on a la phrase « Un fil se brise, un autre se renforce« . Ca revient comme un mantra, et mine de rien ça donne une grande force aux événements, tout en sobriété. La seule chose qui m’a interpellée dans le style linguistique, c’est la concordance des temps : tout le livre est écrit au présent, mais des fois on tombe sur du plus-que-parfait quelque peu improbable, j’ai mis un peu de temps à m’y habituer. M’enfin, c’est possible que ça donne un côté « conte » à l’ensemble, ou que ça renforce l’idée de fatalité, ou peut-être que je cherche des explications là où il n’y en a pas ! Dans tous les cas, ça ne m’a pas dérangée longtemps.

Enfin, pour contraster puissamment avec toute cette douceur, l’histoire ne manque pas de cruauté. Entre les meurtres, les trahisons, les rancoeurs et les règlements de compte, personne n’a le temps de s’ennuyer, y compris le lecteur. Evidemment, ça m’a fait penser à Game of Thrones, même si j’ai l’impression de tomber dans la facilité en choisissant cette comparaison : mais si tu aimes les intrigues de cour, l’abondance de personnages qui peuvent tous mourir n’importe quand et les ambiances mystérieuses en mode Winter is coming, je crois que je ne prends pas trop de risque en te conseillant d’essayer ce livre. Personnellement, j’ai été de surprise en surprise au niveau du scénario, et la fin m’a soufflée.

Bon, je crois qu’à ce stade on peut dire que je ne taris pas d’éloges sur ce livre, au point que maintenant j’ai peur de te créer trop d’attentes (mais bon, je prends le risque). Il faut dire que de mon côté, je me suis lancée dans cette lecture sans rien savoir de l’histoire, j’ai surtout été attirée par la couverture (que je trouve très belle, au passage, et qui illustre vraiment bien l’atmosphère de Que passe l’hiver). Donc j’essaie de ne pas trop t’en dire, en espérant que la magie opérera sur toi aussi. Le seul bémol que je pourrais apporter, c’est qu’en un seul livre on n’a pas le temps d’aborder tous les aspects de ce monde assez complexe, je ne serais pas contre une suite ou en tout cas un autre livre dans le même univers, pour parler de certains clans qui sont restés très discrets dans celui-ci.

Vu la date de parution, j’ai eu beaucoup de peine à trouver des informations sympa à t’apporter dans ma chronique (et puis pour trouver d’autres chroniques, c’était pas triste non plus : quand tu tapes « passe » et « hiver » dans le moteur de recherche WordPress, laisse-moi te dire que tu tombes uniquement sur les 20’000 chroniques de « La Passe-Miroir : Les fiancés de l’hiver »… Très pratique, vraiment). Mais je suis quand même tombée sur cette interview qui m’a bien aidée à organiser mes propos. J’en profite pour te copier un paragraphe qui résume parfaitement le tout, car pour moi il a entièrement réussi son objectif :

J’ai essayé de mettre dans Que passe l’hiver ce que j’ai aimé de Shakespeare et de toutes les grandes tragédies que j’ai pu lire : un sens du destin, du drame et de l’humain, avec l’intensité des sentiments qui les accompagne. Tout devait y être fort : l’amour comme la haine, l’amitié comme la trahison. Cette idée m’a vraiment guidé de la première à la dernière ligne. A contrario, je voulais que le monde de la Clairière soit apaisé, afin qu’il forme la scène qui me semblait parfaite pour accueillir les drames qui allaient s’y jouer. Je ne voulais pas ajouter de la violence à la violence. C’est pour cela qu’un monde calme, enneigé et froid, m’a paru être celui qu’il fallait, quelque chose de très nordique, donc.

Oh et puis, finalement ce cher David me facilite la tâche encore plus que prévu, puisqu’il dévoile même les groupes qu’il a écoutés pendant l’écriture de son livre (Bon Iver, Shearwater, Agnes Obel, PJ Harvey et BarbaRossa). Alors puisque je t’ai déjà mis Agnes Obel par le passé, cette fois je te laisse avec du Bon Iver, parce que ça fait toujours plaisir et qu’effectivement, ça colle très bien à l’ambiance de l’histoire.

25 commentaires sur “Que passe l’hiver

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  1. Quelle bonne idée de chercher une interview et oui on ressent bien le côté tragédie de l’histoire, j’étais tellement immergée dans le récit que je n’ai pas noté de souci de concordance des temps mais il a une belle plume très poétique

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