[Dossier] L’affaire Steven Avery, de « Making a Murderer » à Michael Griesbach

Peut-être as-tu déjà entendu parler de l’affaire Steven Avery, qui a remué une partie des Etats-Unis il y a maintenant une quinzaine d’années. Personnellement, je l’ai découverte (comme beaucoup de gens) à travers la série-documentaire Netflix Making a Murderer. J’ai appris un peu par hasard l’existence de deux livres écrits par Michael Griesbach, un procureur du comté de Manitowoc où l’affaire s’est déroulée, qui ne semblait pas partager l’opinion des réalisateurs de la série. J’ai donc décidé de les lire tous les deux, pour te faire une synthèse des trois oeuvres. Si tu le veux bien, on va y aller chronologiquement.

Les faits

En 1985 à Manitowoc dans le Wisconsin, une jeune femme du nom de Penny Beerntsen est agressée sexuellement pendant qu’elle fait son jogging. Sur la base d’un portrait-robot, on identifie son assaillant comme étant Steven Avery, un homme du coin qui a déjà un casier judiciaire et que la communauté locale apprécie peu. Malgré un alibi solide et peu de preuves, il est condamné à 32 ans de prison pour viol et tentative de meurtre.

En 2002, grâce à un test ADN qu’on ne pouvait pas faire à l’époque, on réalise que le véritable coupable est Gregory Allen et Steven Avery est relâché de prison en 2003, presque vingt après sa fausse accusation. Il exige réparation et décide d’attaquer en justice les policiers qui l’ont mis sous les verrous trop précipitamment.

Avant de pouvoir mener à bien cette procédure, Steven se retrouve à nouveau accusé : en 2005, on retrouve dans la casse familiale la voiture d’une journaliste portée disparue, Teresa Halbach. Après avoir découvert plusieurs preuves accablantes (comme les clés de voiture dans l’appartement de Steven, et des taches de son sang dans la voiture), le procès tourne une fois de plus à sa défaveur et il est désormais de retour en prison pour meurtre, cette fois à perpétuité.

Michael Griesbach – Le tueur innocent (2010)

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Quelques années après les faits, Michael Griesbach, procureur au comté de Manitowoc, décide d’écrire un livre pour tirer une leçon de l’énorme erreur judiciaire commise lors du premier procès de Steven Avery. Ecrit avant Making a Murderer, ce livre s’attarde donc majoritairement sur la première affaire, en décrivant méticuleusement tous les événements qui ont abouti à cette condamnation à tort.

C’est très intéressant à lire si on s’intéresse un peu à l’univers des tribunaux, Michael Griesbach choisit un angle très analytique et peu romancé mais tout à fait accessible à des novices. Cette première affaire fait froid dans le dos quand on réalise tout ce qui a été mis en oeuvre pour coffrer Steven Avery en négligeant totalement d’autres pistes bien plus cohérentes.

A la fin de son livre, Griesbach conclut avec quelques pages sur la deuxième affaire : il est cette fois convaincu que Avery est coupable, et il déplore que ses dix-huit années d’emprisonnement en aient peut-être fait un autre homme, capable cette fois de passer à l’acte.

Making a Murderer (2015)

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Peu après la seconde condamnation, deux réalisatrices s’emparent de l’histoire et décident de tourner un documentaire sur Steven Avery. Sur plus de dix ans, elles accumulent les interviews exclusives et les archives des procès. Après un contrat avec Netflix, Making a Murderer sort en 2015, sur dix épisodes.

L’angle d’approche est cette fois différent du Tueur innocent : si le premier épisode est consacré à la première condamnation, résumant rapidement les étapes du procès et les erreurs commises par les policiers, les neuf autres sont dédiés à la deuxième affaire, celle qui accuse Steven Avery du meurtre de la journaliste Teresa Halbach. Et pour cause, ce qu’on comprend à travers le montage et les propos des avocats de la défense, c’est que Steven pourrait bien être innocent une fois de plus. Au fur et à mesure du visionnage, on a de plus en plus envie de croire à une énorme machination de la part des membres de la police de Manitowoc, qui décident de faire taire Steven avant d’être traînés dans la boue par le procès qu’il veut leur intenter.

Ca paraît fou, dit comme ça, et ça ne l’est pas moins en regardant Making a Murderer. Mais certaines images semblent parler d’elles-mêmes, certains propos sont accablants, et après la sortie de la série de nombreuses pétitions et démarches ont été entreprises pour libérer Steven Avery et lui accorder un procès équitable qui l’innocentera enfin.

Si tu ne l’as pas encore vue, je te conseille vivement cette série qui est absolument haletante et encore plus saisissante du fait qu’elle est composée uniquement d’images authentiques et d’interviews des différentes personnes concernées.

Michael Griesbach – Indefensible (2016)

Résultat de recherche d'images pour "indefensible gresbach"En réponse au phénomène Making a Murderer, Michael Griesbach sort un second livre qui ne laisse pas beaucoup de place au doute par rapport à son propre avis sur la question : Indefensible, « indéfendable ».

Dans ce livre, il revient sur son propre visionnage de la série, à laquelle il a participé pour le tournage du premier épisode. Il raconte le choc qu’il a eu en voyant ces images, le doute qui l’a envahi quant à la culpabilité de Steven dans la seconde affaire, et il entreprend ensuite de tout reprendre méthodiquement (puisqu’il a accès aux dossiers) pour tenter d’y voir plus clair. Sa conclusion, tu t’en doutes : Steven Avery est bien coupable du meurtre de Teresa Halbach, malgré ce que les réalisatrices de Making a Murderer essaient de nous faire croire.

J’étais obligée de lire ce livre, tant je n’arrivais pas à imaginer comment on pouvait encore le croire coupable après la série. Et c’était une fois de plus très intéressant, on découvre certains raccourcis pris à l’écran qui pourraient peut-être changer la donne, certaines informations passées sous silence, certains dialogues écourtés. Mais est-ce que ça suffit pour prouver la culpabilité d’Avery ? Eh bien je serais très embêtée pour te répondre.

(Petite note en passant : pour l’instant, ce livre n’est disponible qu’en anglais, mais ça se lit très bien).

Mes conclusions

Je n’entre volontairement pas dans le détail de ces trois oeuvres pour te laisser découvrir le tout si ce n’est pas déjà fait, mais j’ai surligné énormément de passages dans Indefensible tant cette question m’a fascinée. Après Making a Murderer, j’étais certaine de l’innocence de Steven Avery, et la lecture du second livre de Griesbach, si elle ne m’a pas forcément convaincue du contraire, me fait voir les choses d’une autre perspective. Au final, je n’ai absolument aucun moyen de savoir si Avery est innocent ou non, puisque je n’ai accès qu’à des témoignages biaisés, et je ne vais pas chercher à mener mon enquête parce que je n’ai aucune légitimité pour le faire. Je peux tout à fait vivre avec ce manque de certitude, et je suis même plutôt contente d’avoir eu accès à deux points de vue opposés pour avoir une perception plus vaste du problème.

Ce qui me fascine par contre, c’est la facilité avec laquelle on peut manipuler des faits. Parce que concrètement, entre Indefensible et Making a Murderer, l’un des deux a forcément tort, et pourtant les deux sont diablement convaincants. Si tu t’intéresses à l’affaire Steven Avery, je te conseille vivement de t’attarder sur les trois oeuvres que je t’ai présentées, parce qu’elles sont pour moi totalement complémentaires et qu’on serait tenté d’avoir des conclusions hâtives si on s’arrête à l’une des trois.

Et surtout, ce qui m’inquiète, c’est la facilité qu’a le public à prendre parti sur la base d’un seul témoignage. Après Making a Murderer, tous les policiers et juges du comté de Manitowoc ont reçu une avalanche d’insultes sur les réseaux sociaux, des commentaires incendiaires et même des menaces de mort. Tout ça, Griesbach le raconte aussi dans Indefensible, l’envers du décor et les conséquences d’un tel reportage sur leur petite ville. La famille de Teresa Halbach s’est retrouvée plongée dans le même drame dix ans après les faits et eux non plus n’ont pas été épargnés par ce déferlement de haine (c’est clair que dans Making a Murderer, le frère de Teresa ne passe pas pour le type le plus sympathique du monde si on voit Steven Avery comme une victime de complot). Certains anonymes ont aussi repris l’enquête depuis le début sur Reddit, bref, tout ça fait beaucoup de bruit.

Alors, je ne suis pas en train de prendre la défense de Griesbach, je n’arrive pas à savoir à quel point son livre est de la manipulation et à quel point il est sincère, et je n’ai aucune idée de la culpabilité de Steven Avery dans tout ça, mais à la lumière de ces trois angles très différents, j’ai envie de dire que le doute est permis. Et à partir de là, je trouve affolant qu’on puisse s’improviser juge et bourreau sur la base d’un reportage forcément subjectif, et qu’on puisse adresser des menaces de mort à de parfaits inconnus à l’autre bout du monde grâce à la magie de l’anonymat d’internet. Personnellement, je suis extrêmement contente de ne pas être à la place du juge dans cette histoire, alors gardons l’esprit critique, débattons dans le respect, faisons des suppositions si ça nous amuse, mais surtout n’oublions pas que toutes les informations qu’on nous donne ne sont jamais totalement impartiales et que nous ne sommes en aucun cas en position de condamner qui que ce soit sur cette base-là.

29 commentaires sur “[Dossier] L’affaire Steven Avery, de « Making a Murderer » à Michael Griesbach

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  1. Je découvre ton blog depuis hier grâce au partage de Jo Rouxinol sur Facebook, et je suis épatée. J’aime beaucoup ton style! Ton article m’a donné envie de lire les deux bouquins et de regarder la série! Merci 🙂

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    1. Oh whaou, merci beaucoup !! Ça me fait vraiment plaisir que ça te plaise, bienvenue par ici ! 😀 je découvre ton blog par la même occasion, c’est trop chouette, je me réjouis de prendre le temps d’aller farfouiller un peu ^^
      Je compte sur toi pour me donner des nouvelles si tu décides de découvrir l’affaire Avery ! 😉

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  2. J’avais commencé à regarder les épisodes sur Netflix, mais j’ai vite laissé tomber.
    Je trouvais que le reportage était tout de même très orienté, sans pour autant savoir si Avery est coupable ou non.
    Merci de ton résume en tout cas, cette affaire est assez dingue et j’espère qu’un jour la justice américaine (et ailleurs aussi) se remettra réellement en cause.

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    1. Oui ben justement, sur le moment je me suis fait embarquer sur toute la ligne avec la série, j’étais archi-convaincue que Avery était innocent, et après mes lectures je suis beaucoup plus hésitante, ça remet un peu les pendules à l’heure 🙂
      J’espère aussi, et en même temps je sais pas si un jour on aura une réponse claire sur cette affaire !

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      1. Oui le reportage est bien fichu, mais je venais de regarder un autre documentaire objectif et intéressant (je ne sais plus lequel). Du coup, le contraste m’a fait tilter! J’aurais complètement adhéré sinon^^
        Je ne sais pas du tout, la vérité ressort parfois longtemps après,… Mais c’est vrai que là, ça semble compliqué!

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  3. Je reposte mon commentaire ici car je vois que c’est ici que ça discutaille 😀

    Je ne connaissais pas cette affaire. Je l’ai vu passer des dizaines de fois sur Netflix, mais là tu me donnes envie de la découvrir. Je trouve très intéressante ta démarche d’aligner ces 3 points de vue.

    Netflix a fait un peu la même chose avec l’affaire Amanda Knox. On arrive à la fin persuadé qu’elle est innocente, et que son seul tort est d’être un peu barrée et d’avoir dit des trucs stupides.

    Le déséquilibre là-dedans, c’est qu’une série Netflix aura toujours plus de visibilité que n’importe quel livre. C’est devenu à la mode de réaliser des films/séries sur des enquêtes pour lesquelles il restera toujours un doute. Mais les réalisateurs devraient avoir conscience du pouvoir qu’ils ont de sceller définitivement l’opinion des spectateurs, qui ne feront pas la démarche que toi tu as faite.

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    1. Haha ça discutaille un peu plus par ici effectivement 😀 Les blogueurs sont bavards, c’est bien connu 😉

      J’ai entendu parler de l’affaire Amanda Knox mais il faudrait aussi que je m’y intéresse de plus près alors ! Si tu regardes The Jinx, tu verras que c’est aussi le même genre (en plus creepy, parce que là je trouve que les doutes sont beaucoup moins présents)

      Exactement, j’imagine que très peu de monde a lu ces bouquins, et encore moins maintenant parce que les fameux vengeurs masqués qui ont envoyé des menaces de mort à tout le monde ont aussi balancé des tonnes de commentaires négatifs sur les deux livres, du coup la moyenne a chuté sévèrement alors encore plus difficile de diffuser son livre dans ces conditions…

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  4. J’adore ton article, c’est vraiment très intéressant ! Tu as raison pour ce type d’affaires, on voit déjà à quel point une affaire de meurtre est « vendue » de manière complètement biaisée dans les reportages télé sous couvert d’objectivité (alors qu’il y a le montage, la musique larmoyante ou angoissante…). Ca ne m’étonnerait donc pas de la part de la série et du livre ! Je pense qu’on est tous plus ou moins subjectif concernant ce genre de choses car on veut ABSOLUMENT savoir et on se fait donc son opinion très (trop) vite…

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    1. Oui, ça vient peut-être aussi du fait qu’on est habitués à des séries policières ou des polars où on a une réponse catégorique à la fin, alors que dans la vraie vie on doit émettre un jugement quand on est « raisonnablement convaincu », parce que souvent on ne peut pas être certain… Alors quand on tombe sur ce genre de documentaires, on a envie d’avoir une vraie réponse. Là en plus, comme toutes les images sont tirées des archives, on a envie de penser que c’est objectif alors qu’ils peuvent facilement couper les bouts qui ne les arrangent pas, tronquer des interviews, …

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  5. Ah, mais je vais regader cette série que j’avais repéré sur Netflix. Ce n’était pas dans mes plans, mais je suis assez tentée par ce que tu en dis.
    Quant à la question de la partialité sur cette affaire, déjà l’homme n’aime pas avoir tort et ensuite il a tendance à confondre point de vue et vérité…

    EN tout cas un grand merci pour cette découverte qui me fais saliver de curiosité.

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    1. Je te la recommande, elle est assez addictive ! Le plus difficile étant justement de garder un point de vue extérieur et de ne pas sauter à des conclusions hâtives 🙂
      Ben oui, et dans la fiction on est trop habitués à avoir une réponse catégorique à la fin 😉

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  6. J’ai aussi vu la série que j’ai trouvée passionnante. Je n’ai pas lu les livres, mais j’ai lu plusieurs articles qui remettaient en cause le point de vue des réalisatrices. Par contre, je ne me souviens pas avoir été persuadée de l’innocence d’Avery en regardant la série. Si je me rappelle bien, j’étais plutôt persuadée que c’était quelqu’un de la famille, donc Steven Avery ou quelqu’un d’autre. Mais après je ne pourrais plus dire pourquoi exactement, car j’ai vu la série en début d’année, donc souvenirs ne sont plus très frais…Par contre, je trouvais que la série montrait bien une chose: c’est que le travail des enquêteurs, de la police scientifique est essentiel, mais super fragile s’il n’est pas fait dans les règles de l’art…

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    1. Je dois dire que les avocats de la défense m’ont pas mal convaincue, en plus ils passent vraiment pour les good guys dans la série.. Mais c’est clair, on se rend bien mieux compte à quel point la plus bête erreur de manipulation peut invalider une preuve et la virer complètement de l’affaire…
      Et le boulot des avocats est bien mis en avant aussi, c’est fou comme tout peut dépendre du choix des mots et de la capacité d’un avocat à te convaincre ou à t’attirer la sympathie plus que du contenu réel de sa plaidoirie ^^’

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  7. Alors je n’étais pas du tout convaincu de l’innocence de Avery après avoir vu Making a Murderer. J’avais des doutes mais effectivement le documentaire était très orienté depuis le début. Pour moi clairement le point était plutôt de voir comment un séjour en prison pendant qu’il était innocent a pu jouer sur la seconde affaire. Bon au final je n’ai pas eu de réponses et je me suis posée encore plus de questions. Je crois que la police et les habitants du comté on eu beaucoup de torts dans cette histoire aussi. Mais connaitre la vérité est impossible. C’est fou que les gens s’impliquent autant que ça dans une histoire qui n’est pas la leur.
    En tous cas c’est génial que tu ais lu ces deux bouquins, c’est vraiment une preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit. Et de nous le partager nous donne un éclairage différent sur cette affaire.

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    1. Oui c’est certain, la police n’a pas fait tout juste (y a qu’à voir la première affaire) et ça rendait aussi la tâche plus facile aux réalisatrices pour en faire les « méchants » et renforcer leur angle d’approche. Mais clairement, c’est impossible de se faire un avis définitif et c’est pour ça que je suis bien contente de ne pas être juge 😉
      Je te recommande ces lectures si le sujet t’intéresse en tout cas ! Le premier va dans le sens du reportage puisqu’il parle de la première affaire, mais le deuxième prend vraiment le contre-pied de ce qu’on voit dans « making a murderer » et c’est super intéressant de comparer les deux visions je trouve 🙂

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  8. Cette série m’a complétement retournée ! Plus on avançait dans les épisodes, plus on se disait « non mais c’est pas possible, il ont quand même pas fait ça ». Mais si, c’est juste effarant.

    Le côté fait divers ne m’intéresse pas tellement en bouquin j’avoue, mais les séries netflix (celle sur OJ est chouette aussi, il faut que je regarde Jonbenet) sont plutôt bien faites et prenantes

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  9. Comme d’habitude, ta chronique est hyypeer intéressante !
    Je n’ai vu que le premier épisode de Making a Murderer, je ne sais pas pourquoi, avec le copain on était pas plus emballée que ça pour voir la suite. Mais les points que tu soulèves sont extrêmement pertinents et surtout la fin, bon sang, c’est incroyable comme certaines personnes peuvent se permettre de réagir auprès des personnes concernée si violemment. Je comprendrais jamais ça…

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