The Shining

Stephen King, 1977

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Je continue tranquillement mon objectif de lire tous les Stephen King qui me passent sous la main, et c’est ma chère Alec (sa chronique est par ici) qui m’a proposé de l’accompagner dans sa découverte de Shining. Pas besoin de me le demander deux fois, le temps de me procurer le livre et on était prêtes à embarquer dans cet hôtel de l’horreur. Et on a adoré toutes les deux, ce qui est une sacrément bonne nouvelle !

Jack Terrance, père de famille en difficulté financière, accepte un poste de gardien dans un hôtel isolé dans la montagne et inaccessible en hiver à cause de la neige. Pendant quelques mois, il devra donc surveiller le bâtiment et veiller à son entretien avec sa femme et son fils, dans un isolement total et qui devrait l’aider à finir son dernier projet d’écriture. Mais d’étranges rumeurs courent à propos de l’hôtel, des drames surprenants se sont produits dans les précédentes gardes, et ce séjour pourrait bien leur être fatal…

Je ne partais pas totalement dans l’inconnu puisque j’ai déjà vu le film de Stanley Kubrick, qu’on nous a montré en classe quand j’avais quinze ans (et ça m’avait un peu traumatisée, on ne va pas se mentir). Mais je me doutais que le livre serait plus complexe et plus abouti, et sans grande surprise, c’est bien le cas ! Avant de revenir sur la comparaison, laisse-moi te parler un peu du roman.

Pour l’anecdote, l’idée de Shining est venue à Stephen King après qu’il ait passé une nuit dans un hôtel qui s’apprêtait à fermer pour l’hiver, nuit pendant laquelle il aurait fait un cauchemar où son fils se ferait poursuivre par une lance à incendie. Bien sûr, le livre est bien plus affreux que ce rêve initial, puisque dans cet hôtel, en plus des lances à incendie, tu rencontreras des animaux taillés dans des haies mais furieusement vivants, des cadavres réanimés, des voix étranges et des foules invisibles (entre autres joyeusetés). Je me suis habituée au style plutôt lent et détaillé de King, là j’étais surprise de voir l’action démarrer plutôt rapidement, pour ensuite ne nous laisser aucun temps mort. On se reçoit épisode horrifique sur épisode horrifique dans la figure, et dès la moitié du livre j’avais l’impression que les Terrance se feraient assassiner dans les prochaines pages. De quoi t’installer une sacrée tension dramatique.

(Anecdote numéro 2 : la première parution de ce livre en France s’appelait L’enfant lumière. Très représentatif de l’ambiance du bouquin. J’en ris encore.)

Mais si le suspense joue un grand rôle dans l’histoire, ce que je retiens principalement c’est le traitement des personnages. On se concentre bien sûr presque exclusivement sur Jack, Wendy et leur fils Danny, ce qui permet de bien développer leur personnalité et leur caractère, et le résultat est fabuleux.

D’un côté, on a Jack, le père de famille alcoolique et parfois violent mais qui lutte à chaque instant pour remonter la pente. Il va être très affecté par l’esprit de l’hôtel mais il va essayer jusqu’au bout de rester un père aimant et d’éloigner ses vieux démons, ce qui fait que même en voyant sa plongée progressive et inéluctable dans la folie, je n’ai pas réussi à le détester.

Ensuite, on a Wendy : elle m’agaçait beaucoup au début, dans sa position de femme un peu passive et soumise à son mari, qui se lamente plus qu’elle n’agit, mais elle va peu à peu réaliser le danger qui menace sa famille et la volonté de préserver ceux qu’elle aime va lui donner des ailes… J’ai vraiment apprécié son évolution.

Et puis enfin, il y a Danny, le jeune garçon un peu étrange qui possède un don pas tout à fait défini qui lui permet d’entendre parfois les pensées des gens autour de lui. Il oscille entre les comportements enfantins et les réflexions parfois très avancées pour son âge, ce qui en fait un personnage un peu dérangeant, quand même attachant, et qui a le don de mettre ses parents mal à l’aise. L’hôtel cherche à s’en prendre à lui par l’intermédiaire de Jack, je te laisse imaginer les situations terribles et les combats intérieurs que ça va engendrer. A nouveau,  le personnage est vraiment maîtrisé, on sent bien qu’il a accès à des connaissances trop avancées pour lui et qu’il ne comprend pas vraiment ce qui se passe autour de lui, même s’il a un rôle-clé dans cette histoire.

Je n’ai pas revu le film (peut-être un jour, mais j’avais d’abord envie de m’imprégner du livre) mais d’après les souvenirs que j’en ai, les personnages sont bien moins fouillés dans l’adaptation de Kubrick. Jack devient rapidement un dangereux psychopathe, Wendy ne sert à rien et Danny est glauque, ça permet d’installer plus rapidement le cadre mais on perd quand même une sacrée dose de qualité d’écriture (l’éternel problème des adaptations, tu me diras).

En fait, globalement, j’ai l’impression que le film a pris des raccourcis pour faire de l’horreur plus efficace, au détriment de l’univers posé par King. Par exemple, le maillet de croquet qui devient l’arme principale de Jack dans le livre est remplacé par une hache, ce qui est bien sûr un objet plus efficace à l’écran, mais aussi plus « facile », pas du tout chargé de sens. La plupart des épisodes horrifiques ont été coupés, pour les remplacer par des scènes peut-être plus gore, mais moins fouillées (plus « efficaces », à nouveau). Alors oui, le film fait peur, mais je trouve qu’on perd énormément de ce qui fait l’essence de cette histoire, et qu’on tombe un peu trop dans le premier degré. Et du coup, si au début j’avais l’image de Jack Nicholson en tête, à la moitié du livre j’avais presque l’impression d’être dans un autre univers que celui du film, et je me suis totalement détachée des scènes qui me restaient en tête.

D’ailleurs, Stephen King lui-même n’a pas été vraiment convaincu de cette adaptation. Son avis a un peu évolué au fil des années, mais globalement il aurait dit que c’est un très bon film d’horreur, mais une mauvaise adaptation du livre. Je rejoins pas mal cet avis, le film est beau, malin dans ses cadrages et ses ambiances, mais l’histoire a été simplifiée à l’extrême et c’est difficile de reconnaître l’atmosphère toute particulière de cette lecture.

En bref, que tu aies vu le film ou non, tu peux tout à fait apprécier ce livre. Moins complexe ou contemplatif qu’un Ca, je le trouve plus proche de Misery au niveau du rythme et de l’intensité. J’ai été happée par l’hôtel, j’ai lu les deux cent dernières pages sans m’arrêter, j’ai frissonné plus d’une fois, bref, j’en garde un excellent souvenir. Et si, à chaque fois, je me dis que je m’habitue un peu trop à la plume de King et que je risque d’être blasée, il arrive encore et toujours à me surprendre et à m’embarquer dans son univers. Pourvu que ça dure !

Je te propose aussi de lire la belle chronique des Pages Versicolores, qui l’a lu presque en même temps que nous et qui a aussi beaucoup aimé !

On ne change pas une équipe qui gagne, quand je lis de l’horreur je chantonne des musiques kitsch et entraînantes pour éviter le traumatisme, et ce coup-ci c’est « Les Démons de Minuit » qui m’a accompagnée. Je trouve ça curieusement approprié, autant au niveau du titre que du clip… Curieux, non ?

37 commentaires sur “The Shining

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      1. Oui, c’est effectivement ce qui ressort des critiques et c’est aussi ce que m’avait dit Thibault Vermot au Salon du Livre (je ne sais pas comment on en était arrivé à parler de King, mais bon). Du coup, ça me motive. Mais ce ne sera pas pour tout de suite pour autant, je me connais ! ^^

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  1. C’est marrant, j’ai justement envie de revoir le film en ce moment lol je me souviens que le film m’avait déçu par rapport au livre, oui. Après, pour le premier titre vf, il reprend assez bien me titre anglais, même si effectivement ça paraît très ironique maintenant que tu le dis lol

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    1. Faudra quand même que je le revoie aussi, pour rafraîchir mes souvenirs ^^
      Ah mais souvent les traductions littérales c’est pas une bonne idée haha là ça fait un peu livre biblique ou histoire pour enfants je trouve, pas sûr que les gens s’attendaient à un bouquin d’horreur avec ce titre haha

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    1. Ah ben Docteur Sleep est prévu pour dans un mois ou deux, je sais pas du tout à quoi m’attendre 🙂 Oui c’est ça, on peut vraiment s’imaginer à sa place, c’est assez terrible !

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  2. Les Démons de Minuit… Oui, clairement, c’est curieux (C’est un guilty pleasure personnel ?). Ne m’en veux pas mais je n’ai pas cliqué sur le lien, parce que dans mes errances Youtube, je suis tombée sur ceci et l’écart musical est bien trop grand pour mon cerveau, là tout de suite.
    Personnellement, j’ai lu le livre l’année de mes dix ans (trop jeune, beaucoup trop jeune) et j’ignorais la teneur de l’histoire. Mes références d’horreur, jusqu’ici, c’était la collection Chair de Poule alors le choc a été violent : Dany, son copain Tony, la vieille putréfiée dans sa douche, la chambre avec les morceaux de cervelle éclatés sur le mur, les buissons en forme de lapin super agressifs, les plongées dans la tête de Jack… La peur était multipliée par 1000, même en pleine journée, j’avais des sursauts dès que j’entendais un bruit. Affreux 😀
    Je crois d’ailleurs que j’avais stoppée ma lecture au beau milieu de la course poursuite entre Jack et sa petite famille, j’étais à deux doigts de pleurer de terreur… Je n’ai eu le courage de terminer le livre que quelques mois (ou sont~ce des années ?) plus tard.
    Quand à l’adaptation ciné, je suis pas encore arrivée à la voir en entier (je me suis endormie devant la seule VOSTFR potable que j’ai trouvée et je refuse la VF, elle est bien trop affreuse), mais j’ai eu le temps d’apercevoir le hall noyé sous un tsunami de sang (#malaise), et les jumelles avec leurs couettes et robes à froufrous (#malaisebis). Et j’ai eu la vague impression que mes dix ans n’étaient plus si éloignés que ça… 🙂

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    1. Ah mais c’est mon cerveau qui se met en mode pop des années 80 pour dédramatiser des scènes horribles (je lui ai rien demandé à la base, hein).
      Ouh là oui, je ne mettrais pas ce livre entre toutes les mains, surtout avant un certain âge ^^ Moi je flippais sur les bouquins de l’Epouvanteur, ça me suffisait amplement 😀
      Oui alors justement, ça m’a surprise de voir que toutes les scènes « choc » qui m’étaient restées en mémoire du film étaient pas du tout présentes dans le livre ^^ On est vraiment sur un autre registre, je comprends que King ait un peu ronchonné haha

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  3. Oh! Moi aussi j’ai été traumatisée par un film à l’école: The Ring !!! Sérieux?! Quel.le prof passe ce genre de film à des élèves?????
    J’aime beaucoup le parallèle : livre flippant/musique kitsch!!! XD

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    1. Hahaha c’est fou hein, ça me serait jamais venu à l’idée (à 13 ans ils nous ont montré Sleepy Hollow aussi, y a des gens qui ont dû sortir de la classe tellement ils se sentaient mal ^^’)
      Ah c’est un combo diablement efficace pour éviter de faire des cauchemars 😀

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  4. J’i le sentiment qu’avec les KING, les cinéastes ont pris quelques libertés systématiquement pour faire de l’horreur ++.
    EN attendant, tu le bend vraiment bien. Je trouve ta chronique très chouette. Je crois que je vais suivre ton exemple et me faire les king peu à peu! 🙂

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    1. J’ai vu assez peu d’adaptations mais les livres de King sont souvent très axés sur l’ambiance et la psychologie des personnages, j’imagine qu’au cinéma ça peut être difficile à retranscrire 🙂
      Ouh, quelle jolie idée ! Si tu veux qu’on en lise ensemble à l’occasion, je serai toujours partante !

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  5. Ah moi aussi le prof de lettres nous a montré le film en classe quand j’avais 15 ans. J’ai cru avoir une crise cardiaque plus d’une fois !

    En revanche je me souviens de son analyse du film, brillante, notamment à propos du motif du labyrinthe et de la perte de repères, exprimés dans les couloirs que parcourt inlassablement Danny, dont les tapis sont eux-mêmes ornés de motifs labyrinthiques… qui redoublent le labyrinthe de neige à la fin !

    Egalement la transposition entre l’enfant et l’adulte à la fin quand Jack se perd en pourchassant Danny et retombe sur ses pas, signe d’un décollement de sa propre identité.

    Donc il n’y a pas que de l’horreur dans ce film 😉

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    1. Ah mais je sais pas ce qu’ils ont tous ces profs, à nous montrer des films pareils aussi jeunes 😉
      C’est intéressant comme analyse ! Il faudrait que je revoie le film pour vraiment me replonger dedans, et je n’essayais pas de dire qu’il ne servait « qu’à » faire de l’horreur 🙂 Mais c’est marrant de penser que toute l’histoire des labyrinthes n’est pas du tout présente dans le livre, donc c’est un ajout très intéressant mais là encore, en tant qu’adaptation ça s’écarte quand même beaucoup de l’oeuvre de base 🙂

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  6. Je crois que c’est mon titre préféré de cet auteur, d’une manière générale, ses meilleurs titres sont à mon avis ceux où il explore les méandres obscurs de la création littéraire. J’ai personnellement revu le film il n’y a pas si longtemps, et j’ai trouvé qu’il avait un peu vieilli, même si Nicholson m’a toujours paru aussi effrayant et dément. En revanche, l’actrice qui joue sa femme m’a sérieusement tapée sur les nerfs, avec sa voix criarde …

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    1. Je n’ai eu que des bonnes surprises pour l’instant parmi ses titres, j’ai de la peine à choisir un préféré 🙂 (Probablement Dôme, parce que c’est le tout premier que j’ai lu de lui et je ne m’attendais pas à cette claque) En tout cas j’ai vraiment aimé ! Haha il me semble aussi que la femme de Jack me cassait les pieds dans le film 😉
      J’ai jeté un oeil à ta pile, et j’ai vu qu’on avait Mr. Mercedes en commun d’ailleurs ! (je voulais acheter Dr. Sleep et je me suis plantée hahaha) alors si tu as envie de le tenter avec moi dans un mois ou deux, ce sera avec grand plaisir de mon côté 🙂

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  7. Tu es prolifique en ce moment 😮

    J’ai bien aimé lire ton article, ça me prépare pour dans quelques jours, aha. Ca a l’air d’être mieux que de la simple fiction d’horreur, je suis curieuse du coup.

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    1. J’ai lu beaucoup ce mois-ci, du coup j’ai plein de retard sur mes chroniques 😉 Je commence à choper un rythme où je lis la première moitié du mois et je rédige pendant les deux dernières semaines, c’est assez curieux haha
      Oui, je me demande comment sera Carrie qui est quand même beaucoup plus court, mais King est souvent porté sur la psychologie des personnages 🙂

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  8. Mais ? Quel genre de prof montre Shining à des élèves de quinze ans ?? C’est affreux, j’ose même pas imaginer le traumatisme ! (enfin remarque je crois que je l’ai regardé vers 13-14 ans alors c’est pas bien mieux lol) Nous on regardait Shrek, c’est pas le même registre XD
    Bref du coup j’ai été totalement traumatisée par le film, je n’arrivais pas à m’endormir le soir sans avoir le sourire de psychopathe de Jack Nicholson et l’horrible musique dans la tête… Je vais peut-être commencer par 11/22/63 pour me familiariser avec King hein !
    N’empêche que ce que tu dis sur le livre m’intrigue, je savais que Stephen King n’avait pas apprécié l’adaptation, mais j’avais tout de même trouvé les personnages et l’ambiance assez bien retranscrits dans le film (plus que dans un film d’horreur basique en tout cas), enfin bon je n’ai pas lu le livre donc je ne peux pas trop comparer… D’ailleurs je n’ai pas prévu de le lire pour pouvoir comparer ha ha !
    C’est le printemps, j’ai envie de lire des trucs sympas plutôt que d’avaler des pages et des pages d’ambiance glauque et flippante 😉

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    1. Haha des profs pas très inspirés manifestement, parce qu’on faisait pas trop les malins dans cette salle de classe x)
      Ah mais tu m’étonnes !! Il est terrible dans ce film 🙂 Mais le livre est effectivement beaucoup plus fourni et fouillé, après c’est toujours difficile de s’éterniser sur des détails psychologiques dans un film.. En tout cas si tu prends ton courage à deux mains un jour, le livre vaut le détour 😀 (Garde ça pour les longues nuits d’hiver alors héhé 😉 )

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  9. J’ai énormément apprécié ce livre, comme la majorité de ceux de l’auteur. Je trouve que stephen king a vraiment un plus dans sa manière de conter ses histoires et de décrire les scènes. Chacun de ses livres est unique, et je pense qu’on ne trouvera jamais similaire dans la littérature 😉

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