L’année où je t’ai rencontré

Cecelia Ahern, 2014

Tu commences à me connaître, je ne suis pas experte en romans contemporains tout doux, avec des titres un peu guimauve et des fleurs sur la couverture. Je suis donc convaincue que je serais tout à fait passée à côté de ce livre si je n’avais pas eu la chance de le découvrir dans ma boîte aux lettres il y a quelques semaines. Heureusement, mon adorable contact chez Dargaud Suisse a pensé à moi et j’ai eu la chance de le savourer en avant-première. C’est déjà grâce à elle que j’avais pu dévorer Lucky Boy, je savais donc que j’étais entre de bonnes mains… Et je l’avoue sans peine, une fois de plus elle a fait mouche !

Avant de me lancer dans le résumé, il faut encore que je fasse quelques précisions : déjà, je n’avais lu aucun livre de Cecelia Ahern avant celui-ci. Pourtant, du haut de ses trente-sept ans, elle en est déjà à son treizième roman ! Pour tout te dire, ça m’épate autant que ça me rend méfiante (je t’ai déjà parlé de mes préjugés sur les auteurs qui sortent des romans chaque année. Depuis que je lis du King, je me calme sur cette idée reçue, mais j’ai longtemps pensé que c’était un critère infaillible pour détecter les écrivains qui recyclent leurs idées à l’infini), mais vu que j’ai beaucoup aimé le film PS : I love you (tiré de son roman, au cas où tu l’ignorerais), je partais quand même avec un bon à-priori. D’autant qu’elle est irlandaise, ce qui est un bonus non négligeable selon ma propre échelle personnelle.

Par contre, et c’est là l’objet de ma seconde précision, je m’attendais vraiment à une romance. On ne peut pas me le reprocher je pense, entre le titre, les petites fleurs, et le fait que ma connaissance de l’auteure s’arrêtait à PS : I love you. Eh bien QUE NENNI, très cher ! Ne te laisse pas piéger comme moi, il y aura extrêmement peu de blabla amoureux dans ce roman (et c’est une bonne nouvelle, en ce qui me concerne). Je préférais préciser avant le résumé, parce que même là, ça ne saute pas aux yeux.

Donc, dans L’année où je t’ai rencontré, on est dans la tête de Jasmine, une jeune femme indépendante et carriériste qui se retrouve en congé forcé après que le co-fondateur de sa dernière start-up l’ait licenciée. Perdue, incapable de rester sans rien faire et vraiment déprimée, la seule distraction de ses journées se résume à observer son voisin, un animateur radio provocateur et controversé qui semble ruiner sa propre vie avec beaucoup d’application.

Je le résume plutôt mal, parce qu’il est difficile de parler de ce livre sans en dire trop ou laisser miroiter un autre genre d’histoire. Finalement, dans L’année où je t’ai rencontré, il ne se passe pas énormément de choses et si tu t’attends à du suspense et/ou à un amour naissant entre Jasmine et l’animateur radio, tu risques bien d’être frustré. J’ai lu par-ci par-là que les fans de Cecelia Ahern étaient parfois déçus de ce roman justement, qu’ils avaient attendu un scénario qui ne démarre jamais. Peut-être que mon ignorance totale de l’auteure m’a aidée, en tout cas je me suis plongée dedans sans aucune difficulté et j’ai avalé les pages avec énormément de plaisir.

Alors oui, tu es prévenu, c’est un roman statique. Et pourtant, je ne me suis ennuyée à aucun moment, et ça m’a surpris. Je me suis penchée sur la question, et je pense avoir quelques pistes qui expliquent que cette lecture m’ait autant embarquée. Prenons les choses les unes après les autres :

D’une part, tout repose sur les personnages et ils sont vraiment agréables à suivre. On a une Jasmine très exigeante envers elle-même et envers les autres, pas facile à vivre, qui défend farouchement sa sœur atteinte de trisomie 21 (au passage, j’aime beaucoup que ce livre parle de trisomie sans que ce soit explicitement revendiqué sur la couverture) et s’applique inconsciemment à faire le vide autour d’elle. On a un Matt chaotique, sanguin, cynique, qui a une carapace aussi épaisse que Jasmine, qui s’est perdu dans les dérives du show-business et tente tant bien que mal de remonter la pente. On a une Heather adorable, qui aime sa sœur du fond du cœur et qui voit le bien partout, qui construit son indépendance tout en essayant de protéger son entourage. Et une jolie galerie de personnages secondaires, qui permettent au récit d’avancer tout en apportant leur personnalité propre et leur charme indéniable.

Ensuite, la plume est légère sans être basique, fluide sans être trop simple. La narration repose sur un choix qui m’a beaucoup plu : tout est raconté à la première personne, dans la tête de Jasmine, et elle parle en « tu » lorsqu’elle fait référence à Matt. Je lis rarement des romans qui utilisent la deuxième personne en-dehors des dialogues, et l’effet est pourtant vraiment sympa. Le seul bémol que je mettrais, c’est que j’aurais probablement préféré le lire en anglais : on sent que la traduction a dû poser quelques problèmes à cause de notre vouvoiement qui n’existe pas en VO. Du coup, tout le récit est en « tu », mais dans les lignes de dialogue, elle le vouvoie : ça crée un décalage un peu spécial et pas prévu dans le texte de base, je ne suis pas sûre de voir une meilleure solution mais ça perd un chouïa en fluidité.

Et enfin, j’ai trouvé une certaine fascination dans ce scénario contemplatif. A l’image de Jasmine qui se retrouve subitement à l’arrêt et ne sait pas comment faire pour ne pas devenir folle, on est plongé dans un roman lent, introspectif et on ne sait pas à quoi s’attendre pour la suite. Ca m’a offert une coupure très rafraîchissante entre deux thrillers haletants, une pause apaisante et réconfortante le temps de cette lecture. Ne crois pas pour autant qu’il n’y a aucun contenu : au contraire, Cecelia profite de ce rythme doux pour aborder des sujets passionnants et profondément humains. J’y ai appris beaucoup de choses sur la trisomie et le quotidien de ceux qui sont porteurs du gène, j’ai compati en voyant Jasmine perdre pied sans l’adrénaline du travail, j’ai adoré la voir se reconstruire à travers le travail manuel et le contact à la terre, j’ai observé avec délice la relation de confiance qui se construit progressivement avec son voisin, bref, j’ai savouré chaque tranche de vie de cette année d’attente et j’ai regretté que le livre ne soit pas plus épais.

Une fois de plus, je suis donc très satisfaite d’être sortie de ma zone de confort et d’avoir laissé de côté mes préjugés. J’ai envie de découvrir d’autres romans de Cecelia Ahern (d’ailleurs, si tu as des recommandations, n’hésite pas !), je me réconcilie avec une littérature plus douce et d’apparence « girly » (alors que typiquement, ce roman n’est pas du tout réservé aux femmes bien sûr, c’est juste l’idée que j’en avais) et je continue de diversifier mes lectures, parce que c’est ce qui me convient le mieux.

Et je termine sur de la musique irlandaise, avec une balade toute douce et réconfortante. Parce que c’est dans l’esprit du livre et que j’écoutais ça cette semaine pour me motiver à écrire. J’espère que ça te plaira !

11 commentaires sur “L’année où je t’ai rencontré

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  1. Autant ce n’est pas spécialement mon style de livre (et je me serai fait avoir par la couverture girly aussi !) autant je trouve ta critique très jolie et bien représentative de la jolie surprise de lecture qu’a été le roman pour toi ! Et puis le roman a l’air d’être une parfaite lecture d’automne/hiver, avec une atmosphère et des sentiments, des changements de vie, qui vont tout à fait avec
    La musique irlandaise est très douce et apaisante aussi !

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    1. Oh merci! J’ai eu un peu de peine à construire ma chronique comme je le voulais, je suis contente que le résultat te plaise 😊
      Effectivement, on ne peut pas dire que ce soit mon style non plus à la base, mais j’ai découvert que ce genre de lectures peut faire beaucoup de bien et amener une légèreté bienvenue lorsque c’est bien fait 🙂

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      1. Oui, c’est tout à fait ça ! Mais on a tous besoin de ce genre de lectures qui sont « bienveillantes » emplies de bons sentiments sans que ce soit dégoulinant non plus. La légèreté fait du bien tout simplement de temps à autres.

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  2. Je n’ai jamais lu cette autrice non plus et ce n’est pas forcément un roman sur lequel je me serai retournée. Ceci dit, ta chronique me donne bien envie de le découvrir ! Je vais me le noter dans un coin 🙂
    (Tu me rappelles qu’il faut que je lise Lucky boy)
    Et cette jolie balade irlandaise à la fin, que dire de plus ❤

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