Je suis une légende

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Richard Matheson, 1954

J’entame avec joie mon challenge personnel d’un an, qui consiste à lire douze recommandations littéraires de douze personnes de mon entourage à raison d’un par mois. Et en janvier, c’est sur les conseils de mon lutin préféré que j’ai lu Je suis une légende de Richard Matheson. Il était déjà chez Suzette, mais je ne connaissais ni le résumé du livre ni le film (que je confonds avec I, Robot parce que Will Smith, donc autant te dire que j’étais loin du compte). C’est donc sans aucun indice que je me suis lancée dans cette histoire, et c’est avec grand plaisir que je t’en parle aujourd’hui.

Robert Neville survit comme il peut depuis qu’une étrange épidémie a décimé l’espèce humaine. Les gens portent désormais tous les symptômes des vampires de fiction, ils se nourrissent de sang, dorment le jour et craignent l’ail et les crucifix. Seul contre tous, Robert s’est barricadé chez lui et, pour redonner du sens à sa vie malgré une solitude étouffante, il tente de comprendre ce phénomène dans l’espoir de guérir ceux qu’il n’a pas encore tués.

Quelle excellente surprise que ce roman ! En moins de 300 pages, écrit il y a plus de soixante ans, il est considéré comme le premier roman moderne sur les vampires et a notamment inspiré des auteurs comme Stephen King. Il a également fait l’objet de nombreuses adaptations (pas uniquement celle que j’avais en tête) et est désormais reconnu comme une oeuvre culte du paysage de l’imaginaire. Il part donc sur des bases solides et je ne vais rien révolutionner en écrivant cette chronique, mais je me permets quand même de dire qu’il m’a beaucoup plu et que ça vaut la peine que je te le présente, si tu ne le connais pas déjà.

J’ai tout particulièrement apprécié l’approche du roman par rapport à ces fameux vampires (qui reprennent beaucoup des codes des zombies modernes finalement, avec ce côté post-apocalyptique et survie qu’on retrouve dans beaucoup d’œuvres de fiction aujourd’hui). On arrive « après la guerre », lorsque le gros de la crise a déjà eu lieu et qu’il ne reste personne pour se battre et renverser la situation. Neville est donc profondément seul, et c’est ce sentiment qui est exploité dans ce livre, qui ressemble donc plus à un récit intimiste qu’à un thriller post-apo.

Puisque la vague de panique est passée, donc, les pensées rationnelles peuvent à nouveau germer dans l’esprit de Neville, et après des mois de routine insensée, il commence à se poser les bonnes questions : d’où vient ce mal, et pourquoi des éléments curieux comme l’ail ou le crucifix sont-ils efficaces ? Ainsi, après une introduction qui nous permet de réaliser la situation dans laquelle il se trouve, on entre dans une phase très analytique et scientifique du roman, qui m’a énormément plu. Il va faire des expériences, remettre en question chacun des mécanismes communément admis pour écarter la superstition et se concentrer sur la vraie source du problème, dans l’espoir évident de trouver un remède.

Cette démarche m’a fascinée, et j’ai suivi avec grand plaisir les déductions de Neville (et donc de Matheson) pour trouver une logique dans ce folklore de vampires qu’on connaît depuis bien avant Je suis une légende. Pour moi, c’est un vrai tour de force puisqu’au lieu d’inventer des symptômes qui entrent dans son propre raisonnement, il a dû donner du sens à des éléments qui jusqu’ici alimentaient simplement la légende et qui sont ancrés dans les esprits depuis Dracula et ses semblables. Personnellement, on m’aurait demandé de trouver une explication rationnelle et biologique à un mal qui donne envie de boire du sang et de vivre la nuit, qui craint l’ail, les croix et les pieux en bois, et qui rallonge les canines, j’aurais été bien embêtée. Chapeau à Matheson, donc !

Au-delà de cet aspect un peu technique du roman, j’ai aussi adoré l’ambiance générale et la psychologie de ce personnage en souffrance, qui oscille dangereusement entre folie et dépression. Il m’a provoqué beaucoup d’empathie, on sent sa détresse et son envie de se battre malgré tout et les rares contacts avec d’autres êtres vivants qu’il peut avoir au fil de l’histoire sont fascinants. Je ne m’attendais absolument pas à ce genre d’atmosphère, mais loin de devenir ennuyeux, le récit m’a happée de bout en bout.

Et évidemment, le final est magistral, Je ne vais pas en parler, sois tranquille, mais il clôt parfaitement le récit et il marque les esprits. En quelques pages, on comprend les enjeux réels de ce roman, et j’avoue que je n’avais pas du tout vu venir cette conclusion. Je n’ai pas vu les différentes adaptations cinématographiques, mais d’après les résumés que j’ai cherchés un peu partout, aucun n’a respecté cette fin et j’en suis bien navrée, puisqu’elle donne énormément de puissance à l’ensemble.

Bref, c’est une très belle découverte et je remercie encore grandement mon lutin pour cette suggestion avisée ! Pour la musique, je voulais une voix rauque et solitaire, et une ambiance mélancolique… Sans hésitation, c’est Kaleo qui m’est venu en tête, et je suis étonnée de ne pas t’avoir encore proposé de titre de ce groupe que j’aime beaucoup ! Can’t go on without you me paraît très approprié, et certaines paroles font un écho pas déplaisant au roman.

Oh so what is left but a broken man?
Cause nothing hurts like a woman can

 

 

28 commentaires sur “Je suis une légende

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  1. Je sais que j’avais beaucoup aimé cette lecture, mais je ne me souviens plus de grand-chose, hormis cette sensation permanente de solitude, en effet. Ton excellent billet a fait remonter quelques réminiscences, je t’en remercie !

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  2. J’avais entendu parler de ce livre et j’avais peur que ce soit tiré par les cheveux (et puis je ne suis pas une grosse fan des vampires) mais s’il y a des explications rationnelles, ça me va tout à fait. Ce que tu nous dis sur le développement de ses pensées intimistes, j’avoue que je ne m’y serai pas attendue non plus, aha. Contente qu’il t’ait plu en tout cas !

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  3. Effectivement I, Robot et Je suis une légende n’ont pas grand chose en commun.
    Je suis vraiment heureuse que ce roman culte pour moi frappe un coup dans ton cœur et ton imaginaire.
    Je l’aime énormément et comme toi, je suis tellement déçue par les différentes adaptations…
    Merci pour la découverte de la chanson, qui colle parfaitement à l’ambiance comme tu le souligne. Là, elle tourne une deuxiéme fois alors que j’écris mon commentaire (enchantée, tu le remarqueras).
    Merci Mon p’tit loup pour ce retour.

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    1. Mais c’est moi qui suis ravie, encore un grand merci pour cette recommandation avisée ! Tu commences à bien me connaître, décidément.
      Pour les adaptations, je ne vais pas me presser, je veux garder ces souvenirs encore vifs et ne pas les gâcher avec un scénario qui me semble très librement arrangé 🙂
      Et je suis très heureuse que la chanson te plaise, j’aime beaucoup ce groupe et ça me semblait tout à fait approprié !

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  4. J’étais persuadée d’avoir vu le film, mais en lisant ton résumé du bouquin, je crois que je devais aussi le confondre avec autre chose (mais toujours avec Will Smith XD).
    Je ne sais pas si je le lirai, mais ça m’intrigue quand même. Quoique mon expérience vampirique avec Dracula a été un échec, et que King c’est pas trop ça en ce moment non plus, donc je sais pas si c’est une bonne idée.
    (Cool ce choix de chanson ! Je vais me tailler les veines tranquillement, salut)

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    1. Hahahah tu dis que le monsieur a des rôles interchangeables ? Huummm…
      Bon, on est loin des vampires conventionnels hein 🙂 Là c’est tout à fait scientifique et rationnel !
      Haha mais pardonne-lui, il chante un amour perdu, il va pas le faire sur du swing voyons.

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  5. La seule adaptation que j’ai vue, c’est certainement celle à laquelle tu penses (avec une fin alternative). J’ai découvert cette histoire au format audio ; mais ce ne fut pas une franche réussite pour moi. J’ai bien aimé cette transposition des vampires qui ont un mode opératoire assez proche des zombies, c’est vrai. J’ai trouvé le récit assez amer, pauvre Robert Neville.

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    1. J’ai cru comprendre qu’il y avait un director’s cut, oui 🙂 Ah en audio je ne sais pas si j’aurais autant accroché. C’est quand même une autre expérience de découvrir un livre par oral ! Tu m’étonnes, je n’aimerais pas être à sa place…

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  6. J’ai adoré ce roman pour tous les éléments que tu développes à merveille. Et quelle fin ! J’étais sur le cul tellement je l’ai trouvé géniale ! Je crois que je pourrais encore t’en citer des phrases de tête (après une seule lecture, c’est une vraie prouesse pour moi qui montre à quel point elle m’a marquée).

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  7. Jolie chronique et je ne savais pas que le roman original avait été écrit il y a plus de 60 ans ! J’ai vu une seule et unique fois le film avec Wil Smith, (je ne me souvenais pas qu’il était question de vampire) il est dans ma box et je vais le re-regarder bientôt 😉
    Mais tu m’as donné envie de découvrir le roman, surtout qu’il y a peu de pages.

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  8. Entièrement d’accord avec toi : ce livre est une pépite !
    Aborder la question du vampirisme sous un angle scientifique tout en restant « divertissant »… Il fallait le faire. Et Matheson l’a fait. Et c’était génial !

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