Ca fait un petit moment que je ne t’ai pas présenté de lectures locales, alors que j’ai quelques pépites sous le coude. Comme par le passé, j’ai eu la chance une fois encore de recevoir de merveilleux romans des éditions Plaisir de Lire et des éditions Zoé, je les remercie donc chaudement et m’empresse de te montrer tout ça.
Yves Paudex – Crimes sacrés, sacrés meurtres (2019)
Après l’excellent Confidences assassines de Stéphanie Glassey dans la collection Frisson, j’étais très curieuse de découvrir ce nouveau polar paru en août de cette année.
Au menu, une enquête qui démarre en campagne vaudoise et nous balade jusqu’en Italie, sordide affaire de tronc humain retrouvé dans les hautes herbes (ce qui, évidemment, rend l’identification de la victime plutôt complexe). On suit Valentin Rosset, policier de Lausanne qui s’approche de la retraite et peine à rester « à la page » et à communiquer avec ses jeunes collègues. Par manque de moyens et de temps, l’enquête piétine, s’étalant sur de longs mois d’incompréhension…
Il est rare de voir des forces de police en réelle difficulté dans les polars, du moins de manière aussi réaliste et aussi peu hollywoodienne, et il est tout aussi rare que lesdites difficultés apparaissent aussi tôt dans l’enquête. Passé le choc de la découverte du corps, le récit plonge dans une torpeur épaisse, à mesure que les protagonistes s’enlisent dans les combats administratifs, les guerres politiques des différents services et les collaborations pas toujours évidentes entre collègues, cantons et pays. Pour autant, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, grâce à une plume pointue et très habile qui fait vivre chacun des personnages, grâce à cette plongée passionnante dans les coulisses de la police (c’est le moment de préciser que Yves Paudex a été inspecteur puis commissaire à la police vaudoise) et grâce aux rebondissements savamment étalés sur l’ensemble du roman.
En bref, un roman délicieusement efficace et intelligent, qui propose un angle original, une plume aiguisée et une enquête en plusieurs temps, à cheval sur l’Italie et la Suisse, le passé et le présent. Très sympathique moment de lecture, je te le recommande !
Carole Allamand – Marathon, Florida (2019)
J’enchaîne avec un autre polar très différent, chez les éditions Zoé cette fois. J’avais vu passer ce titre dans leurs newsletters et je me suis laissée tenter au Salon du livre de Genève. Le résumé promettait une enquête passionnante, menée par une jeune femme qui suit les traces de son grand frère disparu cinq ans plus tôt en Floride. Je n’ai pas cherché à en savoir plus, j’ai fait confiance aveuglément à Zoé, et j’ai eu bien raison !
Au-delà de l’enquête, qui est tout à fait agréable à suivre et qui devient addictive après certaines révélations, la dernière partie du roman est la plus fascinante. Le mystère est déjà résolu, et on tombe dans un style narratif différent, à la première personne, des épisodes de la vie d’une jeune fille à Genève dans les années 70. Je n’étais pas sûre de comprendre, j’ai dû faire quelques recherches pour confirmer mes hypothèses, et le résultat est brillant : on est sur un récit autobiographique qui nous offre en quelque sorte les coulisses de la création de Marathon, Florida. On y découvre Carole Allamand, son adolescence et les fondations de son roman, les clins d’œil qu’elle a disséminés dans l’enquête et la double lecture de certains épisodes.
L’expérience de lecture est étrange, presque intrusive mais non moins captivante, puisque c’est comme une deuxième enquête qui se résoud en filigrane, qui réécrit le polar et transforme notre regard sur cette oeuvre. Audacieux et surprenant !
Etienne Barilier – Piano chinois (2011)
J’ai craqué pour le thème, tout simplement. Je fais du piano depuis bientôt 20 ans et j’ai fait des études de musicologie, je n’ai donc pas réfléchi longtemps avant de me procurer ce roman, sans avoir la moindre idée de son scénario.
C’est bien simple, le résultat est jouissif. On assiste à une joute verbale entre deux journalistes spécialisés dans la critique musicale : suite à la même prestation d’une jeune pianiste chinoise, l’un va encenser son talent alors que l’autre n’y trouve qu’un jeu formaté et sans âme. D’abord par articles de blogs interposés, puis dans un échange direct d’e-mails, les deux chroniqueurs vont faire monter le ton, dans un discours qui tend progressivement vers des sphères plus privées…
J’ai lu ce roman quasiment d’une traite, captivée par les envolées lyriques des deux protagonistes. D’une part, la réflexion musicale est vraiment intéressante et pointue (sans pour autant perdre ceux qui n’ont pas de grandes connaissances en la matière, je te rassure), et puis, progressivement, d’autres éléments d’intrigue émergent. On comprend rapidement que les deux hommes se connaissent, et derrière leurs ronds de jambe et leurs politesses, des sous-textes émergent petit à petit pour tisser une toile bien plus vaste. Magnifique plume, exercice savamment exécuté, un petit roman percutant !
Gabriella Zalapì – Antonia (2019)
Et je termine avec ce roman intimiste et bouleversant signé Gabriella Zalapì. Celui-ci m’a été offert par les éditions Zoé (en remerciement des deux achats ci-dessus), premier livre de cette artiste genevoise qui explore la notion d’identité et l’héritage familial qui contribue à façonner l’individu.
Si ce journal intime est fictif, il est apparemment inspiré de ses propres archives familiales. C’est la voix d’une jeune femme enfermée dans une vie qu’elle n’a pas choisie, avec un mari qu’elle n’aime pas et un quotidien qui l’assomme. La découverte progressive du passé de sa grand-mère, sous forme de lettres et de photographies, lui redonne un élan de vie, et on suit en parallèle ces deux destins.
Ce texte est simplement beau, magnifiquement écrit et difficile à lâcher. J’ai ressenti une grande empathie pour Antonia et cette figure de la femme au foyer des années 60, et sa grand-mère est tout aussi intéressante à suivre. On y aborde des questionnements essentiels sur la condition féminine et les différentes pressions à gérer, le tout dans un texte concentré, épuré et lourd de sens. La fin m’a paru un peu rapide, j’aurais aimé rester plus longtemps avec Antonia et voir son évolution au-delà de cette courte année, mais le voyage en vaut la peine et reste gravé dans ma mémoire.
Le premier est tout à fait le genre de policier que mon papa adore: réaliste (c’est un peu sa marotte dans les polars) 😊😊
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Ah je le comprends, c’est vraiment cool d’avoir l’impression de voir les « vraies » coulisses des affaires 😊
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Oui, j’aime bien ça aussi 🙂 c’est sympa!
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Je note Piano chinois, merci pour cette sélection de romans dont je n’ai jamais entendu parler ou très peu…
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Super, j’espère qu’il te plaira !! Oui la littérature suisse est discrète, il faut changer ça 😉
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Beaucoup de livres des éditions Zoé. J’aime beaucoup aussi alors ce n’est pas pour me déplaire. Antonia a l’air captivant. J’avoue que Marathon Florida me semble un peu obscur avec ta description. Est-on dans le roman du début à la fin avec ces deux parties différentes?
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En fait on a vraiment le polar, qui prend les 3/4 du livres, et ensuite une partie complémentaire qui nous plonge dans un genre de roman introspectif et qui fait écho à ce qu’on vient de lire 🙂
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xchouette des titres suisses.
Je vais en commander au Père Noël, avec quelques chocolats. 😉
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Le Père Noël prend note ! 😉
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LOL! 🙂
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Rrroh tu en parles si bien de tous ces petits livres ! J’ai juste envie de tous les découvrir moi ! =D
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C’est le but ma chère, c’est le but ! 😀
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Piano chinois m’a l’air intéressant, même si je n’y connais absolument rien!
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Je suis sûre qu’il peut plaire même aux novices !!
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