Quelques coups de cœur à mettre sous le sapin (3/3)

Passons sur le fait que Noël est déjà passé, si tu le veux bien… Dans un monde idéal, cet article serait paru il y a déjà deux bonnes semaines, mais on fait ce qu’on peut hein ! Bref, voici donc la troisième et dernière partie de cette sélection de romans que je voulais chroniquer avant de passer au bilan annuel. Pour la sélection fantasy, c’est par ici, pour les romans contemporains, c’est par là, et aujourd’hui on s’intéresse à la science-fiction !


Karel Čapek – La guerre des salamandres

En 2017, je découvre cette super chronique de l’Ourse qui me donne très envie de lire La guerre des salamandres. Un an plus tard, je tombe dessus dans les pépites du SLPJ et je m’empresse de l’acheter. Et puis, le voilà qui roupille chez Suzette pendant des mois sans que j’aie l’idée de l’en sortir. Il aura fallu ce défi des reliques pour finalement m’y pencher, en avril dernier, et qu’est-ce que c’était cool !

Collection de journaux, de pensées, de narrateurs et de points de vue, ce roman atypique nous plonge dans une réalité alternative, avec la découverte d’une nouvelle espèce hautement intrigante sur l’île de Tana Masa. Ces sortes de salamandres, qui se déplacent sur deux pattes et travaillent sans se fatiguer, éveillent rapidement l’intérêt des humains, qui y voient une ressource précieuse et docile. Au fil des ans, on voit la situation évoluer, avec ce ton satirique et grinçant qui m’a fait engloutir le roman presque d’une traite.

Evidemment, ce cadre fictionnel permet d’aborder des sujets toujours d’actualité (même s’il est paru en 1936). La métaphore est souvent un excellent moyen de transmettre des idées, et cette dystopie nous parle d’esclavage, de capitalisme, de mondialisation et d’humanité avec beaucoup de talent. C’est un roman intrigant, insolite, déroutant peut-être, mais si ces qualificatifs ne te font pas peur, je t’invite à essayer !


Patrick Ness – Chaos Walking / Le chaos en marche

J’ai beaucoup trop tardé à te parler de cette trilogie, vraiment. Mais ça a été un tel coup de cœur qu’il a fallu le digérer, trouver les mots, attendre la bonne occasion pour le mettre en lumière à ma façon. J’aurais voulu y consacrer un article entier, mais je parle suffisamment de mon emploi du temps, tu connais la chanson. Alors je vais essayer d’en parler ici, maintenant, et de te transmettre un peu des émotions que cette saga m’a fait ressentir.

J’aime déjà le travail de Patrick Ness, ce n’est pas nouveau. Sa sensibilité, son originalité, sa façon de ne pas traiter les jeunes comme des imbéciles et de ne pas tomber dans les clichés habituels. Il fait partie des plumes qui m’ont ramenée à la littérature jeunesse, qui m’ont donné tort quand je pensais en avoir fait le tour. Il a des univers qui me parlent, dans lesquels je me sens à la maison directement, mais là, avec son Chaos en marche, je crois qu’on atteint un autre stade. Quel voyage !

C’est très difficile de te résumer cette saga, d’autant qu’elle fonctionne beaucoup avec l’effet de surprise. Je pense aussi qu’elle vaut la peine d’être lue en VO si c’est possible, parce qu’il y a un sacré jeu autour de la langue qui doit être bien compliqué à traduire. Pour te donner quelques éléments de départ, imagine un monde dans lequel les hommes vibrent constamment dans un « Bruit » qui traduit leurs pensées, un brouhaha accessible à tous et composé de sons, d’images, d’impressions. Pour ne pas sombrer dans la folie, les gens s’isolent, s’éparpillent. Quant aux femmes, on dit qu’elles n’ont pas survécu. Mais un jour, le jeune Todd, dernier enfant de cette communauté maudite, tombe sur une présence silencieuse…

C’est une histoire qui s’épaissit à chaque page, qui commence de manière intimiste et ne cesse de prendre de l’ampleur, multipliant les couches scénaristiques et les niveaux de lecture. J’ai été happée comme rarement par ce livre, émerveillée par ses rebondissements, terrifiée par ses antagonistes, fascinée par ses héros faillibles et ultra-réalistes, ravagée par la cruauté des uns, émue par l’humanité des autres, marquée par la façon dont Todd encaisse les épreuves, en gardant une trace de tout ce qu’il subit. C’est une saga terriblement intelligente, tout simplement, un tour de force stylistique et narratif qui met le support au service de l’histoire et qui ouvre un univers infini. La narration ne conviendra pas à tout le monde, mais de mon côté, je suis soufflée, sur tous les plans !

(Par contre, ils ont décidé d’en faire un film, et je n’arrive pas à comprendre ce qui a pu leur passer par la tête. Pour l’instant, je n’ai pas du tout envie de le voir et j’ai l’impression qu’il n’y a pas de bonne façon de porter cette histoire à l’écran, mais peut-être que ma curiosité aura le dessus un jour !)


Nnedi Okorafor – Binti

Autre saga, autre ambiance, mais très chouette découverte aussi : Binti, de Nnedi Okorafor. C’est chez mon brave lutin que j’en ai entendu parler la première fois, et le nom restait dans un coin de ma tête depuis. J’ai fini par me lancer… et par enchaîner les trois tomes d’une traite, au mois d’août. Pour info, j’ai commencé par la version française (le premier tome était en promo numérique), mais la traduction ne me convenait pas vraiment, donc j’ai basculé en anglais.

Je trouve que cette saga est une excellente porte d’entrée dans la science-fiction. Elle est très divertissante, rythmée, foisonnante sans être trop descriptive ou difficile à suivre, pas trop technique, engagée, bref, tous les ingrédients d’un récit addictif et prenant. On est sur de l’afrofuturisme, un mouvement que je connais encore très peu mais qui m’intrigue beaucoup. Dans le cas de Binti, en tout cas, j’ai trouvé très rafraîchissant de me plonger dans une SF moins occidentale, avec d’autres codes, d’autres couleurs, d’autres idées.

Je n’ai même pas parlé de l’histoire : on accompagne la jeune Binti qui s’enfuit de sa planète natale pour rejoindre une université prestigieuse et cultiver son talent des mathématiques et de l’harmonisation. C’est un space-opera très onirique, peuplé d’êtres de toutes formes et aux idéologies variées. Nnedi Okorafor y aborde des sujets de société, d’unité entre les peuples, de colonisation, de croyances, de générations, toujours au travers d’une aventure dynamique et moins joyeuse que ce qu’on pourrait croire au premier abord. Attends-toi à quelques scènes marquantes, et comme pour Le Chaos en marche, à des personnages marqués par des épreuves traumatisantes. En tout cas, c’est une saga qui m’a sortie des schémas qui me sont familiers et qui m’a emmenée ailleurs, et j’ai beaucoup aimé le voyage !


Dan Simmons – Hypérion

Et je termine ce tryptique de recommandations par une saga qui me suit depuis des années maintenant. Parce que oui, figure-toi que j’ai lu les deux premiers volets il y a quatre ans, et qu’ensuite j’ai attendu des plombes pour m’attaquer aux deux derniers. Même histoire que pour La guerre des salamandres, c’est ce défi des reliques qui m’a finalement permis de lire Endymion début 2021, et d’enchaîner avec le quatrième tome dans la foulée parce que, ô surprise, c’était beaucoup trop bien, en fait !

Cette saga est impossible à résumer correctement. Dis-toi simplement que c’est un gigantesque space-opera, qui débute avec sept pélerins venus des quatre coins de la galaxie pour rejoindre les Tombeaux du Temps. À travers leur récit de vie, on entre progressivement dans ce futur hypothétique, par différentes portes et différents angles (ce qui permet de prendre la température sans recevoir toutes les informations en même temps). Et puis, une fois qu’on a compris où on était, l’histoire démarre véritablement et nous embarque dans un voyage titanesque, démentiel et passionnant, qui parlera aussi bien d’amour que de religion, de sciences, de politique et de destinée.

Pour être honnête, je pense que je manquais d’expérience en science-fiction quand je me suis lancée dans les deux premiers tomes. Les différents parcours de vie m’ont beaucoup plu, mais j’étais un poil larguée quand ça a basculé dans des enjeux politiques et interplanétaires. C’est probablement ce qui a motivé ma longue pause, et je pense que je finirai par relire le premier cycle un jour pour voir comment je l’appréhende aujourd’hui. C’est donc avec un peu d’appréhension que je suis repartie dans la suite, qui se déroule une centaine d’années plus tard, et j’ai été très surprise de la facilité avec laquelle j’ai pris mes marques. Est-ce que le deuxième cycle est plus rythmé, plus centré sur des personnages, ou est-ce que ça vient de moi ? Dur à dire tant que je n’aurai pas remis le nez dans le début, mais en tout cas, je les ai dévorés avec un plaisir grandissant, jusqu’à cette fin explosive qui m’a retourné le cerveau.

Et tu auras peut-être remarqué que Dan Simmons s’invite deux fois dans cette série de recommandations, puisque je parlais déjà de L’échiquier du mal dans la première partie. En même temps, sa réputation n’est plus à faire et je compte bien continuer mon exploration de sa bibliographie, parce que tout ce que j’ai lu jusqu’ici m’a enthousiasmée au plus haut point. Pour Hypérion, c’est une œuvre qui a marqué ma vie de lectrice, que je risque de relire plusieurs fois, dont la richesse m’épate à tous les niveaux. Des quatre titres que je propose aujourd’hui, c’est peut-être le moins accessible, mais si tu aimes la SF et que tu ne t’es pas encore frotté à Hypérion, n’attends plus !


Ça aura mis un peu plus de temps que prévu, mais voilà qui clôt ma sélection en trois parties, douze œuvres qui m’ont plu cette année et dont je n’avais pas encore parlé par ici. Ce ne sont pas mes seuls coups de cœur, tu auras l’occasion de voir une liste plus complète dans le bilan annuel qui sortira prochainement, mais j’espère que ces suggestions t’auront intéressé, et que ces lectures seront agréables si tu t’y penches ! Tous mes vœux pour cette nouvelle année, et je reviens très vite pour la rétrospective de décembre et le bilan !

13 commentaires sur “Quelques coups de cœur à mettre sous le sapin (3/3)

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  1. Je suis ravie de voir que Hyperion ainsi que Binti figurent dans tes coups de coeur. J’adore les 2, alors c’est vraiment chouette de les voir dans un autre top. Pour Hyperion, ce n’est guère étonnant, vu le bestiaux et sa réputation amplement méritée. En revanche, Binti est moins plébiscité et je trouvais le récit touchant.

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  2. Kin aime beaucoup Binti aussi ! Du coup il faudra que je m’y mette un jour ^^
    Je note les autres qui me tentent bien aussi 🙂

    Bonne année chouquette ! ♥ En espérant qu’on puisse se refaire des rencontres bloguesques cette année !
    Bisous !

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  3. Je suis tellement contente d’avoir pu te donner envie de découvrir La guerre des salamandres et plus encore d’avoir été de bon conseil ! Je ne me souviens plus des détails vu que mon cerveau est une passoire, mais je me souviens de l’impression laissée par ce roman surprenant, efficace, original et absolument réussi !

    Le chaos en marche est une trilogie que je veux absolument relire tant elle m’avait éblouie. Et comme toi l’adaptation cinématographique me laisse absolument perplexe et ne m’attire absolument pas, ça me semble une idée totalement loufoque et je pressens un résultat abominable. D’ailleurs, je n’en ai pas du tout entendu parler, ce qui n’est pas forcément bon signe…

    Nnedi Okorafor est une autrice que je veux découvrir depuis des années, donc il serait éventuellement temps que je m’y mette, peut-être avec Binti puisque tu le vends si bien !

    Et Hypérion est dans ma WL depuis des lustres, donc on verra bien quand il se retrouvera entre mes mains. Etant donné que j’apprends avec toi qu’il y a trois tomes ensuite, je me dis que ce ne sera pas encore pour demain.
    En tout cas, je suis complètement admirative de ta capacité à mettre quatre ans entre deux tomes sans être obligée de recommencer à zéro. ^^

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    1. Ah ben on se rejoint tout à fait sur le Chaos en marche, j’ai du mal à comprendre ce qui est passé par la tête du scénariste. Comme pour Le Passeur d’ailleurs (que je n’ai pas vu non plus), ça repose quand même beaucoup sur le fait qu’on lit l’histoire, donc à quel moment on se dit que c’est malin de le porter à l’écran… Bref 😀
      Pareil, j’aimerais beaucoup lire d’autres romans de Nnedi Okorafor, il y en a déjà plusieurs qui me font de l’oeil !
      Et pour Hypérion, les découpages ont changé avec les éditions (comme souvent, on adore) mais il y a en gros deux cycles : Les cantos d’Hypérion (qui représente mes deux premiers tomes) et Les voyages d’Endymion (mes tomes 3 et 4). Comme j’ai fait ma grosse pause entre les deux cycles et qu’il se passe une bonne centaine d’années entre les deux, ça a facilité le truc, sinon j’aurais été complètement perdue haha. Mais donc tu pourrais décider de t’arrêter aux Cantos 🙂 (même si je trouve le deuxième arc encore meilleur !)

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      1. Je me demande à quel point Patrick Ness était d’accord avec ça, s’il a eu son mot à dire. Je ne savais pas qu’il y avait eu un film du Passeur, mais je me dispenserai aussi du visionnage !
        J’avais pas mal entendu parler de Qui a peur de la mort ? de Nnedi Okorafor !
        D’accord, merci pour les précisions ! Je pense qu’une fois lancée j’enchaînerai avec les deux cycles, ça a l’air dommage de rater le second !

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  4. J’aime beaucoup ces articles sélection, et même si je n’ai pas de grosse surprise à la lecture (il semblerait que j’aie un peu suivi tes lectures au fil de l’année 😁), ça me donne toujours autant envie de lire Binti, et Hyperion même si ça me paraît toujours aussi compliqué 😂

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