R. J. Ellory, 2007
Je viens de terminer ce roman, je tenais à t’en parler pendant qu’il est encore frais. Je l’ai lu sur les conseils d’une amie qui partage mes goûts, j’étais donc dans de bonnes dispositions et je pense que ça m’a aidé au début, parce qu’il met un peu de temps à démarrer.
Laisse-moi te poser le cadre : on est aux USA, en Géorgie, au fin fond de la campagne, au début de la Deuxième Guerre Mondiale. Et on suit la vie de Joseph Vaughan, jeune garçon passionné d’écriture qui perd son père au début du livre, pendant que des petites filles des alentours sont assassinées les unes après les autres. Je ne fais pas ça très bien, j’ai de la peine à organiser un résumé parce que je n’arrive pas à décider sur quoi mettre l’accent. A priori, on peut ranger ce livre dans la catégorie des polars, parce que cette enquête autour des meurtres nous accompagne jusqu’aux dernières pages, mais en même temps on s’intéresse surtout à la vie de ce personnage, qui grandit dans cette ambiance sombre de méfiance envers ses voisins, entre la guerre et les meurtres, qui vit malheur sur malheur avec toujours la force d’avancer, on ne sait pas bien comment. Le mélange des genres en fait un livre vraiment intriguant, je n’ai pas d’autre mot. Et du coup, il se met en place assez lentement : dès le début on sent que Joseph va nous raconter toute sa vie, d’ailleurs chaque chapitre est entrecoupé de flash-forward, dans lesquels on comprend qu’il est adulte, qu’il a trouvé le meurtrier, et qu’il l’a tué. Cette démarche nous enlève pas mal de suspense, puisqu’on sait directement deux choses : il va identifier le tueur, et ça va prendre du temps. En partant d’emblée avec ces deux informations, j’ai eu de la peine à entrer dans l’histoire du Joseph enfant et de son quotidien, avec sa mère, sa prof, ses camarades de classe et les autres adultes du village. Je ne voyais pas bien ou Ellory voulait m’emmener, j’attendais que la vraie histoire commence.
Et puis, comme un diesel, elle s’est mise en route petit à petit, et c’est à la moitié du livre que j’ai commencé à vraiment apprécier ma lecture et à ressentir l’impact de cette longue mise en place. Sans trop m’en rendre compte, j’avais été embarquée dans cet univers, je connaissais bien tous les personnages, je m’identifiais à Joseph, et lorsqu’on sort de cette torpeur et que l' »action » commence, j’ai été touchée en plein cœur à chaque rebondissement. Ce livre m’a rendue profondément triste, puis heureuse, puis encore plus triste, si bien que j’ai lu la seconde moitié en un éclair, autant pour connaître la vérité sur ces meurtres que pour ne pas rester malheureuse trop longtemps. Ellory a une belle plume, j’en ai pris conscience en constatant toute la palette d’émotions que j’ai ressenties en si peu de temps. Et finalement, je n’ai qu’à moitié envie de le classer comme un polar, parce que je crois que ce que j’en retiendrai, ce n’est pas cette histoire de meurtres de petites filles, ou le dénouement. Il aurait pu en faire une histoire vraiment glauque, en détaillant les cadavres, en insistant sur le fait que les victimes sont des enfants, en faisant en sorte qu’on soit marqués par l’enquête, et à la place on a l’impression de suivre tout ça de loin, à travers les yeux d’un Joseph qui le vit très mal mais de manière finalement assez passive pendant la grande partie du livre. Non, ce qui me restera c’est cette atmosphère, cette tristesse que j’ai ressentie, la volonté de vivre qu’a Joseph malgré tout ce qu’il subit, une volonté qui se manifeste d’ailleurs en toute simplicité : là encore, Ellory aurait pu en faire un héros épique, qui se relève malgré tout, avec rage et détermination, et on aurait alors salué son courage, mais pas du tout. On dirait simplement qu’il avance comme il peut parce qu’il n’y a pas d’autre choix, dans une démarche à nouveau plutôt passive. Finalement, c’est un roman qui dégage pour moi beaucoup de lassitude : puisque c’est le Joseph du présent qui raconte son histoire, celui qui a trouvé le tueur et enfin mis un point final à cet enfer, on peut vraiment sentir qu’il est à bout de forces, il a subi énormément de choses, il arrive au terme de sa souffrance, et il n’a plus l’énergie d’avancer maintenant que son but est atteint. Je crois que tout peut se résumer à cet angle d’attaque, qui en fait un livre original puisqu’on s’attendrait plutôt à vivre les événements en même temps que le héros, pas en rétrospective comme ici, et puissant parce qu’on sent tellement le poids qu’il porte sur ses épaules depuis toutes ces années qu’on ne peut que comprendre et partager son soulagement à la fin du livre. Je crois que c’est un excellent moyen de s’attacher au personnage et de compatir, sans être « parasité » par un suspense qui finalement n’aurait pas tellement de sens, parce que l’enquête en soi n’est pas si incroyable que ça, personnellement je n’avais pas deviné l’identité du tueur (mais je suis bon public pour ça, je ne cherche pas à élaborer des théories parce que j’aime être surprise) mais quelqu’un de plus acharné l’aurait certainement trouvée.
En simple, si Ellory avait mis l’accent sur l’enquête en essayant de faire monter le suspense, son livre n’aurait pas été très réussi, parce qu’on aurait probablement été déçus par la fin. Mais l’angle d’attaque qu’il a choisi est pertinent, et a très bien fonctionné sur moi. Alors prends-le plus comme un roman réaliste, pas forcément comme un thriller, et laisse-toi porter par sa plume et l’ambiance qu’il décrit avec une belle justesse.
Oh, et j’ai très envie depuis le début de faire une association livre/musique sur ce blog, en te conseillant une musique qui s’allie bien avec le livre que je te propose. Eh bien si tu aimes avoir un fond musical pendant que tu lis, mets l’album The Best of Leonard Cohen (de ce très cher Leonard Cohen, sans déconner !), il m’a accompagné tout au long de ce roman et j’ai adoré le mélange des deux.
Je suis d’accord avec toi quand tu dis que ce livre est inclassable surtout au niveau de l’ambiance qu’il créé, c’est vrai qu’il met du temps à démarrer, je pense que c’était nécessaire pour nous plonger dans cette atmosphère lugubre, pour qu’on s’attache vraiment à Joseph et qu’on entre dans sa tête. J’ai adoré ce thriller qui est l’un des mieux écrits que j’ai pu lire.
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Complètement d’accord ! Au début je pensais que je le lirais avec détachement, et au milieu de l’histoire j’ai été quasiment émue aux larmes, ça m’a fait un petit choc 🙂
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Mon préféré est « Mauvaise étoile », j’en ai lu deux autres mais je n’avais pas accroché à l’époque.
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Pas encore lu, mais j’en prends note !! 🙂
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« Lassitude » est effectivement le mot qui convient bien pour cette lecture…
Pour moi, le moteur n’a jamais vraiment démarré, mais je suis contente que ça ait été le cas pour toi ! :3
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Haha oui je pense qu’avec ce bouquin, c’est quitte ou double ! J’ai trouvé cette torpeur tout à fait efficace pour ma part, mais je l’ai aussi lu dans de bonnes conditions, probablement 🙂
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