Le journal d’Anne Frank / Elle s’appelait Anne Frank

Ca fait plusieurs années que le Journal d’Anne Frank dormait dans ma pile. Il m’intimidait autant qu’il m’intriguait, et il me manquait un peu d’élan pour me lancer dans cette lecture que je m’imaginais déchirante et chargée d’émotions. C’est l’adorable Flof’ qui m’a proposé de le découvrir avec elle, et c’est grâce à cette initiative que j’ai pu m’attaquer à ce monument, et t’en parler aujourd’hui. Pour voir sa chronique, c’est par ici !

Le journal d’Anne Frank (1947)

Résultat de recherche d'images pour "le journal d'anne frank"C’est donc en novembre que nous avons embarqué ensemble pour ce retour dans le passé, aux côté de la jeune Anne, une adolescente pétillante et bavarde, qui se pose beaucoup de questions sur la vie et nous ouvre les portes de ses réflexions à travers ce journal.

Tu le sais déjà, Anne Frank a dû se cacher avec sa famille dans une annexe de l’entreprise de son père, à Amsterdam, pour échapper à la Shoah. Elle a vécu deux ans dans cette cachette avec d’autres occupants, avant d’être embarquée par les Allemands et de décéder dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Il y a quelque chose d’assez terrible dans le fait de s’immiscer dans sa vie privée en connaissant son sort à l’avance, et c’est probablement ce que je redoutais le plus en commençant cette lecture.

Et pourtant, je dois dire qu’il m’a fallu du temps pour entrer dans l’histoire, et j’en ai été la première surprise. Je crois que le problème vient en grande partie de mes attentes : j’avais envie de comprendre le contexte politique aux Pays-Bas, de sentir l’ambiance de l’occupation, la difficulté de vivre cachés, les uns sur les autres, l’évolution de la guerre, mais j’ai vite réalisé que j’étais coincée dans la tête d’une jeune fille qui n’a quasiment aucune information sur l’extérieur, et qui entre de plein fouet dans l’adolescence. C’était logique, mais je n’ai pas anticipé.

J’avoue que l’attitude d’Anne m’a passablement agacée, jusqu’à ce que j’arrive à rattacher ça à sa crise d’adolescence. Elle se plaint beaucoup, surtout des autres habitants de l’Annexe à qui elle trouve tous les défauts possibles, elle écrit notamment beaucoup de choses désagréables sur sa mère et je me suis sentie assez mal à l’aise de découvrir les autres protagonistes à travers ce regard intransigeant. Avec un peu de recul, ça reflète surtout la difficulté de vivre sa crise d’ado enfermée et coincée avec sa famille, mais il m’a fallu un peu de temps pour le comprendre et arrêter de grincer des dents.

Un autre point qui m’a chiffonnée, c’est que, comme je l’ai découvert dans la préface, ce journal n’a pas été écrit totalement sans arrière-pensée. En réalité, Anne Frank a entendu à la radio qu’on récolterait les journaux intimes après la guerre, pour documenter cette période, et elle a réécrit son journal en modifiant, supprimant ou ajoutant certains passages pour le cas où elle serait lue un jour. C’est une bonne initiative en soi, mais ça perd un peu du côté « authentique » que j’avais en tête.

Malgré tout, j’ai été très intéressée par la vie dans l’Annexe, je me suis attachée à Anne et je ne regrette pas cette lecture. Mais Flof’ et moi, on avait un petit sentiment de frustration d’en avoir appris si peu, et en découvrant l’existence d’un deuxième livre écrit cette fois par Miep (l’une de ceux qui ont aidé la famille Frank à se cacher et les ont fourni quotidiennement en nourriture et en ressources diverses) on a aussitôt décidé de le lire aussi, en complément.

Miep Gies – Elle s’appelait Anne Frank (1987)

Résultat de recherche d'images pour "anne frank remembered"Sorti plus de quarante ans après les événements, Elle s’appelait Anne Frank retrace le parcours de la famille Frank d’un point de vue extérieur. L’auteure, Miep Gies, était une employée du père et une amie de la famille, et c’est également elle qui a récupéré le manuscrit du Journal et l’a gardé en sécurité jusqu’à la fin de la guerre. Décédée en 2010 à l’âge de 100 ans, Miep Gies a oeuvré toute sa vie pour faire connaître le témoignage d’Anne et a été reconnue « Juste parmi les nations », titre honorifique réservé aux personnes non-juives qui ont risqué leur vie pour sauver des juifs pendant la Shoah.

Je te le dis d’emblée : j’ai trouvé dans ce livre tout ce qui me manquait dans le premier. Miep Gies ne se prétend pas écrivain, et c’est dans la simplicité de sa plume que j’ai enfin pu comprendre l’horreur, l’oppression, le danger et le courage de ces gens qui ont lutté jusqu’au bout pour la survie. J’aimerais avoir la force et la bravoure de Miep et de son mari, je me suis attachée immédiatement à ce couple de militants qui ont risqué leur vie sans la moindre hésitation pour leurs protégés.

A travers ce texte, on comprend l’ambiance à Amsterdam, la situation en Hollande que je connaissais finalement très peu, la lente descente en enfer, la tension constante et le danger omniprésent auquel on finit par s’habituer pour ne pas craquer. J’ai aussi découvert les habitants de l’Annexe sous un angle beaucoup plus doux et moins critique que dans le Journal. D’ailleurs, dans la postface, elle soulève brièvement le fait qu’un des habitants de l’Annexe (Fritz Pfeffer, renommé Dr. Dussel dans le journal) a été présenté d’une manière spécialement peu flatteuse dans les écrits d’Anne, image qui est restée longtemps dans l’esprit des lecteurs et qui a fait beaucoup de peine à sa famille et à ses proches. Pour cette raison et beaucoup d’autres, Elle s’appelait Anne Frank contribue à amener un regard plus adulte, plus bienveillant et moins centré sur les chamailleries du quotidien, et ça m’a fait beaucoup de bien.

Au final, j’ai l’impression que les deux récits sont aussi importants l’un que l’autre : le Journal pour la jeunesse, la proximité, la vie quotidienne et la spontanéité, et Elle s’appelait Anne Frank pour l’Histoire, l’atmosphère, la globalité et le témoignage poignant d’une femme qu’on aurait dû mettre beaucoup plus en avant. J’aurais assez envie qu’on les vende par deux, ou même qu’on les édite sous une même couverture, tant ils se complètent et se font écho, se corrigent et se répondent. Si tu as déjà lu Le journal d’Anne Frank, je ne peux que t’encourager vivement à lire le livre de Miep Gies, et si tu n’as lu ni l’un ni l’autre, procure-toi les deux et dis-moi ce que tu en auras pensé.

Pour la musique de fin, je te propose Neutral Milk Hotel, un groupe américain indépendant des années 90 qui a composé tout un album, In the Aeroplane Over the Sea, largement inspiré de l’histoire d’Anne Frank. J’ai choisi un de leurs titres doux, mélancoliques et en adéquation avec l’humeur que j’avais en lisant ces livres. En espérant que ça te plaira !

14 commentaires sur “Le journal d’Anne Frank / Elle s’appelait Anne Frank

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  1. Je suis contente d’avoir affronté ces heures sombres de l’Histoire à tes côté. J’aime beaucoup la façon dont tu as rédigé cette chronique. A très vite (peut-être pour une nouvelle lecture commune, qui sait) 😉

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  2. Tu me donnes envie de lire Miep Gies que je ne connais pas du tout.
    J’ai gardé un bon souvenir du journal d’Anne Frank, que j’ai lu ado. Je me souviens de ce sentiment d’étouffer dans le huis clos de l’annexe, de ses interrogations de jeune fille… effectivement, ce n’est pas un livre sur la guerre, mais sur une adolescence différente 🙂

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    1. Je t’encourage vraiment à lire ce livre, je ne comprends pas qu’il soit aussi peu connu !
      Oui, j’y suis allée dans la fausse démarche au départ, j’ai dû adapter mes attentes et ensuite j’ai pu vraiment apprécier ma lecture. 🙂

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  3. J’ai ressenti le même sentiment de frustration que toi, je pense que ça vient beaucoup de la façon dont on nous vend c livre, on a des attentes qui ne sont pas du tout comblées par ce journal, et c’est bien dommage ! Au moins, ta chronique remet les points sur les i.

    Quant à l’autre livre, je n’avais même aucune idée de son existence, donc merci d’en avoir parlé ! J’aimerais bien le lire, du coup 🙂

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  4. Je ne connaissais pas du tout le roman de Miep Gies honte à moooi ! D’ailleurs je ne crois pas avoir lu le Journal d’Anne Frank, mais il me semble que j’avais vu une adaptation en dessin animée quand j’étais gamine qui m’avait fait bien pleurer… Mais je confonds peut être tout x)
    Du coup, bah c’est plutôt vers le livre de Miep Gies que j’aurais plus envie de me tourner la tout de suite, donc merci beaucoup pour la découverte, encore une fois, tu élargis mes horizons livresques et c’est trop cooool ! =)

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