Les lions d’Al-Rassan

Guy Gavriel Kay, 1995

Ca fait littéralement des années que mon lutin préféré me tanne pour que je lise ces fameux Lions d’Al-Rassan, du non moins fameux Guy Gavriel Kay dont la plume me tente depuis longtemps. Et pourtant, j’ai eu du mal à me lancer : peut-être par crainte d’avoir des attentes trop élevées, ou par souci de choisir un moment approprié pour m’embarquer dans une telle aventure. En tous les cas, j’ai fini par me décider et je suis partie en Al-Rassan découvrir si ce voyage en valait vraiment le coup…

Dans cette fantasy furieusement proche de la réalité, trois personnalités hors du commun voient leurs routes se croiser : le poète et soldat Ammar ibn Khairan, le chef de guerre Rodrigo Belmonte et la femme-médecin Jehane bet Ishak. Tous trois sont de confessions religieuses différentes et leurs peuples se livrent un combat acharné pour prendre le pouvoir en Espéragne, mais la ville toute particulière de Ragosa leur permettra de cohabiter et d’apprendre, peut-être, à voir au-delà des apparences.

Malgré les termes inventés et quelques détails dépaysants (comme la présence de deux lunes) qui ajoutent un parfum exotique au récit, le cœur de l’histoire fait référence à la cosmopolite Al-Andalus, qui a hébergé chrétiens, musulmans et juifs en créant des collaborations et des ponts entre ces différents peuples. Dans Les lions, les musulmans sont des Asharites, les chrétiens des Jaddites et les juifs des Kindaths : Ammar et Rodrigo, ouvertement ennemis puisque Ammar est Asharite et Rodrigo Jaddite, se rencontrent en Al-Rassan après avoir été tous deux exilés de leur royaume respectif. Ils sont rejoints par la Kindath Jehane, dans des circonstances que tu découvriras à la lecture.

Ce roman est tout simplement délicieux, passionnant et chargé d’émotions. Je découvre la plume de Guy Gavriel Kay, et j’ai été véritablement bluffée par la puissance de certaines scènes, et l’intelligence narrative dont il fait preuve pour captiver le lecteur et le plonger dans l’action. J’ai été émue aux larmes par la disparition de certains personnages auxquels je ne pensais pas être attachée, j’ai aimé à la folie ce trio de fortes têtes et leur fragile équilibre qui était condamné à se briser un jour ou l’autre, et mon cœur s’est déchiré au dénouement de cette folle histoire dont je me souviendrai longtemps.

Pour ne rien gâcher, j’ai appris beaucoup de choses sur cette période de l’Histoire que je connaissais peu. Le talent de l’auteur s’illustre également dans la présentation de cette vaste fresque, puisqu’il ne nous perd pas en explications froides ou en panoramas distants : à la place, il nous présente des tableaux successifs, toujours mis en scène et romancés, avec une foule de personnages secondaires aussi marquants et vibrants les uns que les autres. De la sorte, l’Histoire prend vie, et si les différents termes inventés peuvent s’avérer troublants au début, il ne faut que quelques dizaines de pages pour prendre ses repères et dévorer avec appétit cette jolie petite brique.

Je l’ai quand même lu sur deux bonnes semaines, parce qu’il me fallait laisser décanter les épisodes avant de pouvoir passer aux suivants. Il y a un ingrédient mystère dans la plume de Kay qui rend chaque scène si réelle et si prégnante que je voulais faire durer le plaisir et prendre la mesure des événements successifs. Et puis, inutile de dire que je redoutais la fin, me doutant bien que cette amitié naissante entre Asharite, Jaddite et Kindath risquait d’être mise à mal…

Au final, cette fresque ambitieuse et enthousiasmante dégage un beau message d’espoir, d’entente et de reconnaissance de cœur au-delà des croyances et des différences d’origines. L’élément principal de cette belle alchimie vient selon moi des personnages, construits avec soin et réussissant brillamment à transformer la masse anonyme d’ennemis et d’étrangers en des individus attachants, portés par leurs propres passions, craintes et rêves, des humains uniques et faillibles qui cherchent finalement tous à trouver leur place.

Tu l’auras compris, ce roman se place très haut dans mes découvertes de l’année, je me suis d’ailleurs empressée de le commander en VO pour lui réserver une place de choix dans ma bibliothèque (et pourquoi pas le relire dans quelques temps…). Si tu n’as encore jamais lu de Kay, je ne saurais trop te recommander de démarrer celui-ci, et de mon côté je vais sérieusement jeter un œil au reste de sa (vaste) bibliographie pour découvrir d’autres pans romancés de l’Histoire et surtout retrouver des personnages aussi bien écrits que ceux-ci !

Puisque ça fait longtemps que je n’avais pas chroniqué de roman unique, je suis un peu rouillée sur les suggestions musicales. J’ai fouiné dans les musiques andalouses, pour tomber sur cette charmante version de « Etz Harimon » par les Qiyans Krets, qui pourrait bien accompagner ces soirées à regarder les deux lunes, avec une légère brise et une odeur de sable chaud…

14 commentaires sur “Les lions d’Al-Rassan

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    1. Ah mais je n’ai aucun doute sur le fait qu’il se comporte très bien pour une relecture ! Je le relirai certainement aussi, pour bien tout comprendre ce qui m’échappait au début 🙂 Mille mercis pour cette découverte en tout cas !

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