[Relire son enfance] Carnet de redécouvertes #1

Ca fait maintenant un peu plus de cinq mois que j’ai lancé ce club de lecture autour de nos classiques d’enfance, dans une envie de redécouvrir certains titres, de challenger certains souvenirs, d’examiner ce qu’on a retenu et d’accéder à de nouveaux niveaux de lecture. Et depuis, on est une joyeuse petite bande sur le groupe facebook, tu es d’ailleurs évidemment le bienvenu si tu veux te joindre à nous, et je prends un plaisir fou à déterrer mes doudous de leur bibliothèque pour me replonger dans leur univers !

J’avais décidé de classer ma liste de relecture en trois parties :

  • Mes doudous : ceux que j’aime d’amour et que je me réjouis de retrouver
  • Mes explorations : ceux que j’aimais à l’époque et que je retente sans garantie
  • Mes redécouvertes : ceux qui m’ont plu et que j’ai totalement oubliés

Ces catégories témoignent d’une intention différente face à ma relecture, puisqu’il peut y avoir un tas de raisons de relire un roman. On a d’un côté ceux qui sont à peu près garantis de me plaire et qui pourront réveiller des émotions et une certaine nostalgie, ceux qu’il est un peu risqué de relire parce qu’on pourrait bien entacher l’image que j’en avais à l’époque, et ceux qui me laissent juste une excellente impression sans avoir aucune idée de leur contenu et que je veux donc véritablement redécouvrir. En cinq mois, j’ai eu l’occasion de piocher dans mes trois listes, et j’avais envie de débriefer ça avec toi parce qu’il y a déjà plusieurs observations qui me semblent intéressantes à partager.


Mes doudous :

Diana WYNNE JONES – Le château de Hurle T1

couv69328898Parmi mes doudous, j’ai relu Le château de Hurle de Diana Wynne Jones. Si tu l’ignores, il s’agit du roman qui a inspiré le film d’animation Le château ambulant de Miyazaki ! Pour une raison qui m’échappe, les maisons d’édition n’ont pas vraiment joué sur cette publicité et si le bouquin est devenu culte chez les anglophones, il est introuvable depuis pas mal de temps en français (même si j’ai entendu des rumeurs dire qu’une réédition est actuellement en projet). Or, j’ai lu ce livre à sa sortie, bien avant d’entendre parler du film d’animation, et je l’avais adoré. Ce qui fait que je n’ai pas vraiment pu apprécier son adaptation à sa juste valeur puisque j’ai passé la moitié du film à me demander d’où je connaissais cette histoire, et l’autre moitié à m’insurger contre les (énormes) changements de scénario.

Je garde précieusement mon exemplaire d’époque dans ma bibliothèque, et j’ai été ravie de cette relecture : l’histoire est dynamique, la plume malicieuse, on est sur un conte ludique et créatif qui parle de la perception qu’on a de soi, des autres, que les autres ont de soi, de l’importance d’être fidèle à sa nature et des croyances limitantes. Un super texte donc, que je t’encourage à lire soit en anglais soit en français dès qu’il sera à nouveau disponible ! Je n’ai pas encore revu le film, mais j’ai déjà été jeter un œil au résumé pour  me faire une idée : les thèmes abordés sont effectivement très différents, on est plus sur le pouvoir de l’amour et des enjeux plus spectaculaires, finalement les deux points de vue semblent se compléter, avec des points de vue intéressants de part et d’autre. Mais ne le lis pas en pensant tomber sur un script du film, on en est vraiment loin !

Et au passage, j’ai découvert qu’une suite était sortie en anglais ! J’ai fait mes petites recherches, et Diana Wynne Jones a écrit deux autres tomes, Castle in the air qui se passe dans le même univers mais suit un autre héros, et House of many ways qui suit à nouveau Sophie. Je n’avais jamais entendu parler de ces deux tomes, je me suis empressée d’acheter Castle in the air (qui a rejoint Suzette il y a quelques semaines) et j’ai hâte de pouvoir prolonger le plaisir avec cette aventure encore inédite pour moi.

Jules RENARD – Poil de carotte

2070514218.01._sclzzzzzzz_Alors celui-ci, je me demande un peu pourquoi je l’avais rangé dans mes doudous. Dans mon enfance, j’ai lu beaucoup de classiques (la Comtesse de Ségur, Alphonse Daudet et compagnie) et si j’ai peu de souvenirs de chacun des romans individuellement, l’ensemble me laisse une excellente impression assez nostalgique et réconfortante. Pour Poil de carotte, les images qui me venaient en tête étaient celles d’un garçon espiègle qui faisait des bêtises, bref un livre léger et plein de bons sentiments pour les enfants.

Si tu l’as lu plus récemment que moi, tu dois rire dans ta barbe devant mon résumé. Parce qu’alors, j’étais très loin du compte, et je trouve ça très intéressant de voir ce que j’avais retenu et interprété à l’époque et le regard que je porte sur ce roman aujourd’hui. La relecture a été pleine de surprises : entre roman et recueil de nouvelles, ce livre se présente en réalité comme une collection d’instants de l’enfance de Poil de Carotte, parfois avec une chute comique ou qui porte à réfléchir, et d’autres fois plus comme un souvenir volé. Mais globalement, le récit transpire la solitude, la maltraitance de cette famille toxique et la douleur de cet enfant qui ne trouve pas le moyen de s’exprimer sans être turbulent et impertinent pour extérioriser son mal-être.

Si j’ai apprécié cette relecture, ce n’est pas du tout pour les raisons qui m’ont amené à le lire : j’y ai trouvé une grande justesse dans le portrait de Poil de Carotte, et malgré quelques longueurs et une plume qu’il m’a fallu apprivoiser, certaines scènes sont vibrantes d’émotion et véritablement poignantes, dans la plus grande simplicité.  Le récit est loin d’être léger et espiègle, mais il explore une dynamique familiale complexe et dysfonctionnelle avec beaucoup d’intelligence dans sa présentation. Bref, un autre genre de relecture tout aussi captivant et riche en surprises !


Mes explorations :

Sarah DESSEN – Cette chanson-là

41bkvx9fzxl._sx210_Dans ma liste d’explorations, il y a beaucoup de littérature « de fille », avec des couvertures roses et des histoires de bandes de copines ou de romance adolescente. Je n’ai jamais raffolé des scénarios trop mièvres, mais j’aimais beaucoup certaines de ces tranches de vies sur l’amitié ou l’amour, et je les ai prudemment rangées dans la case des « je ne sais pas trop ce que ça vaut aujourd’hui » par crainte des clichés véhiculés (qui pourraient avoir très mal vieilli, au passage) et par envie de quand même voir si ces romans étaient toujours capables de me plaire aujourd’hui ou non.

Sarah Dessen fait partie des plumes que je suivais de près à l’époque (j’ai d’ailleurs 4-5 de ses romans) mais que je n’ai pas relu depuis une dizaine d’années, c’était donc un excellent test (qui avait aussi le mérite d’être un one-shot, pour ne pas me relancer trop vite dans une saga à rallonge). Et je dois dire que j’ai été très agréablement surprise. Les souvenirs me sont revenus progressivement au fil de ma lecture, et j’ai été ravie de voir que l’histoire se concentre surtout sur l’héroïne qui apprend à lâcher prise et à arrêter de vouloir tout contrôler. Les personnages sont cohérents et crédibles et les thèmes sont loin d’être niais, l’histoire d’amour prenant finalement une place assez discrète sur l’ensemble du roman.

Même si je n’ai plus l’âge des protagonistes, ce roman m’a offert une jolie évasion et m’a provoqué beaucoup d’empathie pour l’héroïne. Par contre, je suis tombée sur un paramètre que je n’avais pas anticipé : les traductions d’il y a une dizaine d’années ! Ce roman n’est pas si vieux, et pourtant on sent que les temps ont changé avec internet et la propagation des versions originales un peu partout. Résultat, dans mon édition, même si l’histoire se passe aux USA, tous les prénoms ont été francisés. Le duo principal, Remy et Dexter, devient ainsi Julie et Damien (jusqu’ici je peux comprendre l’envie de ne pas appeler une fille « Remy » en français), mais la traduction pousse le vice jusqu’à renommer John Miller en Jean-Michel (sachant qu’on parle ici d’un ado qui joue dans un groupe de rock). Franchement, ça fait mal aux yeux et j’étais constamment sortie de mon immersion. Ca m’étonnerait qu’on fasse ce genre de choix aujourd’hui, surtout que d’après ce que j’ai compris, Sarah Dessen aime reprendre ses personnages pour faire des clins d’œil d’un roman à l’autre, et avec ce genre de changement arbitraire, la tâche devient très compliquée ! A tous les coups, les prochains titres n’ont pas été traduits par la même personne et les références passent à la trappe. Bref, après cette lecture, je me suis sérieusement demandé si je devais envisager la relecture en VO, mais je n’ai toujours pas d’avis tranché sur la question.

Ann BRASHARES – Quatre filles et un jean T1-T5

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Devant le nombre de copinautes qui voulait relire Quatre filles et un jean dans le groupe, on a décidé d’organiser une lecture commune pour se donner de l’élan (il faut dire qu’on était plusieurs à y aller un peu à reculons, par peur d’être déçues et de perdre la très bonne impression qu’on avait gardé de notre découverte d’adolescentes). Et au final, je les ai relus avec un plaisir incroyable ! Là, on est vraiment dans le schéma de la « bande de copines », mais  j’avoue avoir été très étonnée de la qualité avec laquelle les personnage sont écrits et imaginés. Chacune des filles a sa personnalité bien marquée, ses qualités et ses défauts, et ce truc en plus qui la rend terriblement attachante.

J’ai eu beaucoup de mal à lâcher ces différents tomes, tout en redoutant d’arriver au bout de l’aventure et de devoir leur dire au revoir une fois de plus. Et le sentiment a l’air d’être partagé par mes compagnonnes de relecture, on peut donc dire qu’on est sur une sacrée saga qui vaut la peine d’être découverte à tout âge ! Au fil de ces quatre ans, on aborde un tas de sujets avec un regard plutôt moderne et habile.

Restait ce tome 5, dont je n’avais pas entendu parler à l’époque et qui a été écrit bien plus tard. J’ai tendance à me méfier de cet aspect « réchauffé » des sagas qu’on décide de prolonger pour tirer sur la corde, mais la curiosité a été la plus forte, et après avoir refermé le tome 4, j’avais quand même très envie de retrouver cette joyeuse bande une dernière fois. J’en dirai très peu pour ne pas le spoiler, mais je me suis pris une bonne grosse claque dans la figure. On est sur un récit bien plus mature et dur que les précédents, dix ans après la fin de la série de base (ce qui leur donne à peu près mon âge actuel, ça avait un côté encore plus troublant), et j’ai été franchement secouée par le tournant que prend l’histoire. C’était un pari risqué de la part de l’autrice, mais je trouve qu’elle l’a vraiment bien exécuté et que les sentiments qu’elle explore et qu’elle nous transmet fonctionnent à merveille. Les filles ont grandi, nous aussi, et si le récit qu’on découvre a perdu sa légèreté, la justesse de ses personnages est intacte, et la fin offre tout de même une belle part d’espoir et d’entraide. Bref, cette saga reste culte pour moi !


Mes redécouvertes :

Linard BARDILL – La clé des sources T1

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Parfait exemple du roman qui m’inspire de bonnes choses sans avoir la moindre idée de son contenu : La clé des sources. Je l’ai dans ma bibliothèque depuis des années, je me souviens l’avoir beaucoup aimé, mais je ne l’ai jamais vu passer sur les réseaux, et j’aurais été bien incapable de t’en faire un résumé.

C’est donc avec une grande curiosité que j’y suis retournée en fin d’année dernière, et j’ai compris pourquoi personne n’en parle autour de moi : Linard Bardill est un auteur suisse-allemand, et La clé des sources est en réalité le premier tome d’une trilogie (dont la suite n’a pas été traduite). J’ignorais complètement ces informations à l’époque, et ce contexte m’apporte déjà un autre regard sur ce livre.

L’histoire est très chouette, on est aussi dans de la fantasy très inventive à l’image du Château de Hurle, et si la fin se suffit à elle-même, c’est intéressant de savoir qu’il en existe une suite parce que certains personnages et objets semblent sous-exploités dans ce tome-ci. Quelques souvenirs sont remontés à la surface pendant que je le lisais, mais j’étais loin de me rappeler la trame globale et la multitude de détails qui enrichissent le récit. Il n’est pas impossible que j’essaie de me procurer la suite en allemand un jour, ce serait sympa de pouvoir inscrire cette histoire dans un scénario plus vaste ! Et dans tous les cas, j’ai apprécié ce rafraîchissement de mémoire enrichi de nouvelles informations qui me font voir ce roman sous un nouvel angle.


Bref, jusqu’ici je n’ai eu que des belles surprises, malgré mes différents niveaux de souvenirs. Je me suis aussi replongée dans la fabuleuse trilogie A la croisée des mondes, mais je t’en parlerai dans un dossier séparé quand j’aurai fini le dernier tome (parce qu’il y a beaucoup de choses à en dire, et des parallèles à faire avec ses différentes adaptations !). Je suis déjà tombée sur plusieurs schémas récurrents (notamment les suites jamais traduites !), et je suis vraiment ravie de voir que mes goûts n’ont pas trop changé et que ces romans me procurent toujours des émotions fortes… Pourvu que ça dure ! Et spécialement dans les temps qui courent, je ne peux que te recommander de te réfugier dans tes classiques de l’enfance, c’est tout à fait réconfortant !

19 commentaires sur “[Relire son enfance] Carnet de redécouvertes #1

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  1. Je n’ai pas découvert Le château de Hurle durant ma jeunesse mais je l’avais moi aussi beaucoup aimé. Par contre, il est difficile de trouver le deuxième tome en VF (et ne parlons pas du troisième qui n’a pas été traduit).
    Héhé, Poil de Carotte est un classique à mes yeux 🙂 D’ailleurs, je l’avais sans doute lu en l’empruntant à la bibliothèque de l’école.

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  2. C’est vrai que c’est sympa de se replonger dans ses lectures d’enfance. Ou on retrouve des univers adorés avec grand plaisir, ou on voit l’oeuvre d’un autre oeil, ou alors on trouve ça plat et on s’ennuie terriblement. Pour l’instant c’est du bon pour ton carnet de redécouvertes ! J’avais aussi beaucoup aimé Le château de Hurle, vu après le film de Miyazaki je pense. Dommage qu’il ne soit plus édité, mais c’était d’une fantaisie folle dans mon souvenir.

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  3. Une réédition du Château de Hurle ? En voilà une bonne idée, depuis le temps que j’ai envie de le lire ! (S’ils pouvaient traduire les deux autres tomes, tant qu’à faire…).

    Pff, je n’ai toujours pas sorti Poil de carotte de ma PAL alors que ce que tu en dis me donne très envie. C’est intéressant de voir que tu l’as aimé pour des raisons totalement différentes que dans tes souvenirs. Ça aurait pu gâcher ta lecture, tant mieux que ce ne fut pas le cas !

    Jean-Michel ! Le choix qui tue. Qu’est-ce qui a pu passer dans la tête du traducteur ?! Ce que tu dis sur l’immersion me fait repenser aux articles de Lupiot sur les noms des personnages (https://allezvousfairelire.com/category/reflexions/les-noms/in-nomine-veritas/). C’est assez aberrant… en plus d’être dommage pour la question des clins d’oeil aux autres bouquins.

    Ce que tu dis sur Quatre filles et un jean est totalement juste. C’était vraiment une très bonne relecture et tu parles vraiment bien du tome 5.

    Jamais jamais entendu parler de La clé des sources. J’allais dire dommage pour la suite, mais tu lis l’allemand ? Tu es vraiment pluritalentueuse ! (et si ça ne se dit pas, tant pis !)

    A la croisée des mondes ! ♥ Je n’ai pas encore vu la mini-série, mais il va falloir que je remédie à ça un de ces jours !

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    1. Hahah j’espère que déjà ce premier tome aura enfin le succès qu’il mérite, et là on pourra envisager les deux tomes suivants… 🙂 En attendant, je les découvrirai en anglais !
      Oui Jean-Michel c’était spécialement douloureux, je ne te le cache pas. Oh merci pour le lien chez Lupiot, c’est super intéressant !
      Haha ça ne m’étonne pas que tu n’aies jamais entendu parler de la Clé des Sources, déjà la littérature suisse s’exporte rarement, et là la traduction n’est même plus disponible donc bon… Oui ça m’arrive de lire en allemand, même si je galère un peu 🙂 L’avantage de vivre dans un pays à plusieurs langues nationales, c’est qu’on s’expose un peu quoiqu’il arrive !
      Hâte d’avoir ton avis sur la série HDM, j’aurais aimé être plus convaincue. 🙂

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      1. Effectivement, mes parents sont pourtant juste de l’autre côté de la frontière, mais je n’ai pas lu beaucoup d’auteurs suisses…
        Je suis un peu une quiche en langues, même si je me dépatouille en anglais, donc je suis assez admirative, mais c’est chouette de pouvoir piocher dans différentes langues (surtout pour les suites non traduites !).

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  4. J’adorais aussi 4 filles et un jean ! Il faudrait vraiment que je le relise.
    Pour le coup pour Poil de Carotte j’en garde vraiment le souvenir d’un enfant maltraité par des parents horribles. D’ailleurs, quand j’y pense, c’est très curieux de faire lire ça à des enfants !
    C’est marrant parce que je n’ai entendu parler de Sarah Dessen que récemment avec ses dernières sorties qui ont été mises en avant sur la blogo. Je ne savais pas que ça faisait si longtemps qu’elle écrivait et qu’elle était connue !

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    1. Alors je t’encourage pour 4 filles et un jean, parce que c’était une super redécouverte !
      Oui j’avoue que ce qui m’a probablement sauvée en tant qu’enfant, c’était de ne pas du tout voir la violence familiale et de m’arrêter aux « bêtises » du héros.
      Et moi je ne savais pas que Sarah Dessen était encore aussi active, donc on se croise ! 😉

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